Deux disques complémentaires d’electro-vaudoo : Electronicat et Kid Congo Power en compagnie de Khan se plaisent à triturer des riffs psycho-billy sur des samples tribales.

Electronicat – Voodoo Man

(Disko B – Nocturne)

Avec une pochette kitsh à souhait tendance Pierre et Gilles, Fred Bigot, aka Electronicat, démontre encore une fois qu’il n’a jamais peur des associations de mauvais goût. Tant mieux, car c’est cette singularité cultivée avec brio qui l’a toujours laissé en marge de la scène electro, de plus en plus consensuel. Le vétéran français qui alterne les allées-venues entre Berlin, Paris et Vienne, possède déjà derrière lui une discographie bien fournie entamée en 1997, dont Voodoo Man est son sixième album et second chez le label Disko B. Dispersée jusque-là entre différents labels (Mute, Oni-Tor Kompakt…), son univers tente d’allier un rockabilly cradingue avec une electro hantée et minimaliste dans la veine suicidaire d’Alan Vega. Néanmoins, le jeune homme ne se prend pas tout le temps au sérieux et derrière quelques sueurs, la dérision fait aussi partie du voyage.

‘Performer’ scénique hors pair, l’univers loufoque de cet électro-chat se distingue par l’usage d’une Fender crasseuse empruntant les manières dominatrices sado-maso de la grande Poison Ivy. Survolant des beats malmenés par une vieille boîte à rythmes TR808, ses effets de guitares fuzz et autres riffs psycho-billy sonnent étrangement, mais c’est tout ce décalage qui fait l’intérêt de l’oeuvre.

Si son alliage rock/electro n’est pas toujours probant, notre homme se plaît à détourner quelques classiques, comme l’intro d’un “Smoke on the Water”, ou à revisiter le patrimoine des Cramps autour de samples vaudoux binaires. Dans ces moments-là, cette sensation d’aridité rappelle étrangement le “Run Through the Jungle” du Creedence repris par feu le Gun Club : même sensation de rythmes tribaux qui vous envoûtent vers une transe fiévreuse. Pour bien argumenter cette décadence, on y retrouve des voix chantant sur des airs de cabaret sado-maso (le binôme Captain Comatose, Miss Le Bomb ou le flow de Max Turner).
Comme tout disque d’electro hybride qui se respecte, certains passages laissent à désirer, mais Bigot possède assez de bagout pour l’emporter au final. De quoi exorciser nos démons dansant !

-Le site d’Electronicat

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KID & KHAN – Bad English

(Transsolar Records)

La dernière fois qu’on a aperçu ce vieux chicanos de Kid Congo Power, c’était en compagnie de Khan (moitié de Captain Comatose) sur la scène du défunt festival de l’Aquaplanning de Hyères en 2002. L’illustre guitariste, intermittent du Gun Club, Bad Seeds et des Cramps (pour ne citer que ceux-là) avait remué la foule le temps d’une prestation incendiaire, terminant le set porté sur les épaules de son acolyte, guitare à bout de bras. Un excellent souvenir, d’autant plus que cette légende du rock (vivant désormais à Mexico) se fait de plus en plus rare dans nos contrées. Malgré cette belle promesse scénique, le disque tant attendu résultant de cette combinaison mexico-berlinoise s’est malheureusement perdu en cours de route suite à des démêlés contractuels, ne tombant entre nos mains que trois ans plus tard, c’est à dire aujourd’hui…

Et c’est bien dommage, car Bad English est un sympathique cocktail où se croisent no wave et mélodies pop en charentaise. Entre lecture pop et expéditions plus brouillées, le duo alterne le chant, toujours accompagné d’un beat dansant dénudé et sexy à souhait, limite exotique. Un parfum de folie plane autour de ce disque, parfois résolument bancal comme sur le branché “High speed”, voire complètement dévergondé et n’hésitant pas à virer malsain sur le décalé « Stitches”. Plus accessible que le disque chroniqué plus haut, on ne peut qu’admettre que ces deux ovnis ont tout de même quelques liens en commun. Outre la présence de Khan, ce sont surtout les guitares qui les rapprochent, notamment ici celle de Kid Congo, toujours maître du riff psycho sur le synthétique “Washing Machine” ou le temps d’une réinterpretation irrévérencieuse du classique “Goo Goo Muck” des Cramps. Rien à dire donc, ça sent toujours le fun à plein nez.

-Le site du label