Précurseur incontestable de l’Euro folk psyché, le frontman des Gorky’s Zygotic Mynci se paye une touche d’exotisme sur son premier opus solo. Cette brico pop en atteste : les eurosceptiques ont toujours tort.


Lazy, Soft & Slow, cette formule empruntée à l’unique et superbe disque solo de Guy Chadwick synthétise parfaitement l’oeuvre des Gorky’s Zygotic Mynci. A l’instar d’un Syd Matters, leur musique procure une sensation d’apaisement, de flottement, une invitation à rejoindre « le village dans les nuages » (les références abondent). On se sent pousser des plumes sur son postérieur et sous les bras, prêt à se jeter du haut du pont Neuf pour tester de nouvelles aptitudes aérodynamiques.

Il est toujours frustrant de constater combien certains groupes admirés par un bastion de journalistes restent confidentiels au sein du grand public, même parfois des gens de la cause pop indépendante. Croiser un fan des Gorky’s Zygotic Mynci arrive toutes les années bisextiles, et ce n’est visiblement pas encore cette année. Mais peut-être que cette race étrange d’adeptes Gorky est trop occupée à compter les cumulus vus du ciel, transportée par cette musique en lévitation. En faisant un peu de comptabilité et en remuant la paperasse, on constate que les chiffres sont là, nous avons affaire à de bons euro-citoyens : Gorky’s Zygotic Mynci a enchaîné sur 15 ans, huit albums enchanteurs dont deux purs chef-d’oeuvres, Spanish Dance Troup (1999) et How I Long To Feel That Summer In My Heart (2001). Ce dernier est tout bonnement incroyable, une superproduction bourrée d’arrangements époustouflants n’ayant d’égales que la délicatesse et la légèreté des harmonies. How I Long To Feel… figure dans la liste noire visant à décrédibiliser Mercury Rev à jamais.

Après 20 ans d’une vie heureuse au sein de sa petite tribu Gorky, le citoyen Euros Childs s’est essayé à une escapade en solitaire – un vieux rêve d’enfant à ses dires. De retour dans son « vrai » cocon familial, il entreprend d’écrire quelques chansons, enfermé à double tour dans sa chambre, puis raboté en studio. Tous les songwriters vous le diront, c’est dans sa chambre que les plus belles chansons naissent.

Chops est donc un mélange des deux conditions d’enregistrement, entre lo-fi cosy et bordel professionnel. Après un prélude sur dictaphone, l’ambiance festive est inaugurée avec “Donkey Island”, une pop song qui parait inspirée du fameux jeu Super Mario Bros. Ceux qui ce sont bousillés les pouces sur les manettes Super Nes connaissent bien ce petit paradis tropical, avec ces cocotiers en forme de pain sucré : le jeu est réussi ! Il n’y a qu’un Gorky’s pour se permettre une telle diversion sans tomber dans le ridicule.

Baigné dans une ambiance lo-fi, le chanteur des Gorky’s prolonge les vacances d’été, habillant légèrement ses pop songs de chaleureuses sonorités exotiques, marimbas synthétiques et quelques guitares hispanisantes (“Slip Slip Away”). Quelques intermèdes de poche de 30 secondes égaient le disque entre karaoke japonais et un 4 pistes branché malencontreusement (le tryptoque “Stella is a Pigmy”). Puisqu’on y est, quelques titres chantés en gaélique ne vont pas noircir ce tableau décidément bien coloré (“Dawnsio Dros y Mor”, “Hi Mewn Socasau”). On a même droit à une parenthèse country enregistrée sur le bord du lit, pas mal pour un gallois.

Décidément imprévisible, la seconde face du disque se veut plus mélo, avec de jolies chansons intimistes avec un piano grinçant et quelques choeurs fantomatiques qui refroidissent un peu l’ambiance (“Circus Time” ). L’affaire ne se clôt tout de même pas sous un nuage gris grâce à “First Time I Saw You”, petit joyaux (joyeux) du disque : une pop song à l’innocence cosmique dont seul le bonhomme a le secret. Franchement, existe-t-il une voix plus douce et amicale dans le giron psyché folk ? Permettez-moi d’en douter.

– Le site officiel d’Euros Childs

-Le site officiel des Gorky’s Zygotic Mynci