Le nouvel album d’Explosions in the Sky est prévu pour février prochain. Pour les plus impatients d’entre vous, Kwoon se propose de prendre le relais.


Avis aux amateurs de (post-)rock atmosphérique, à tous ceux pour qui Explosions in The Sky, Godspeed You! Black Emperor et Sigur Ros constituent la trilogie musicale parfaite : ce disque est fait pour vous. Il réussit en effet le petit prodige de réunir, en dix titres planants, la puissance évocatrice des texans, l’inventivité des québequois et la poésie des islandais. Des références qui forcent le respect pour cette formation parisienne très discrète dont Tales And Dreams est le premier véritable album.

Il suffit de se fier aux premières notes d’“Intro”, qui donnent un aperçu synoptique de ce que sera le voyage en apesanteur proposé par Kwoon : piano grave et nappes fantomatiques de cordes, choeurs lancinants. Une certain lyrisme afleure même dans cette entrée en matière qui ouvre des horizons miroitants, et l’on se plait à évoluer dans ce décor semblable à celui que Radiohead est – ou était, mais là n’est pas la question – capable de planter avec quelques envolées vocales et des notes jouées comme si sa vie en dépendait. “I Lived on The Moon” installe un peu plus ce décor vaporeux, et la provenance lunaire d’un groupe sur qui la pesanteur n’a plus de prises paraît de plus en plus évidente. Kwoon a retenu la poésie cristalline de Hood, et matérialise, avec des arpèges mineurs et une voix qui tient presque du chuchotement, un spleen vivant. Et lorsque le thème entêtant de la guitare, la batterie et les nappes de cordes font irruption, la musique de Kwoon se fait plus planante, plus grandiose, et tutoie de près ses mentors, notamment Explosions in the Sky.

Avec “Blue Melody”, Kwoon expérimente un autre type de voyage, immobile cette fois, exempt de section rythmique pendant la moitié de la chanson. L’auditeur se laisse aisément bercer par la douceur des cordes et la rondeur des notes. Comme ses aînés, Kwoon maîtrise à merveille la progression dramatique inhérente au post-rock atmosphérique. Vers le milieu de la chanson, alors que la batterie fait une timide apparition, une guitare saturée lance quelques appels lointains, et l’auditeur averti saura reconnaître les prémisses d’une explosion lyrique à venir. Batterie, guitare et cordes s’en donnent à coeur joie dans un final grandiloquent.

Après ce tonnerre lyrique, Kwoon revient à des titres à l’architecture plus évanescente, et renoue avec la puissance évocatrice d’une musique sans paroles. “The Beast” nous fait plonger dans des abysses inexplorées à travers quelques bruitages inquiétants : une respiration de plongeur, quelques appels de mammifères marins en détresse. “Eternal Jellyfish Ballet” continue notre parcours sous-marin, et la guitare saturée laisse éclater quelques tensions jusqu’à lors retenues (“Last Sundown)”. Le temps de remonter à la surface, on croisera les incantations de Sigur Ros (le diptyque “Tinklëh” /“Tinklëh Skofa”), tandis que “The Door” finit d’accomplir notre réveil en douceur, comme après une séance d’hypnose dont on ressort cotonneux. Cordes, chants voilés, arpèges haut-perchés, xylophone évoquent une rêverie plus lumineuse, comme dans le final “Kwoon”, où la progression est au service d’une – relative – éclaircie.

Tales And Dreams pourrait être une réminiscence de cette notion de concept-album, tant les dix titres qui le composent sont unis par un même leitmotiv : celui du voyage. Initiatique, temporel ou immobile, l’évasion proposée ici repose uniquement sur la puissance d’évocation d’une musique aérienne, soutenue – et c’est trop rare pour ne pas le souligner – par un livret à l’identité picturale originale.

– Le site de Kwoon
– La page Myspace