Figure underground aussi insaisissable qu’iconoclaste, Sir Richard Bishop, ex-guitariste des Shazam expérimentaux Sun City Girls, mène depuis quelques années une carrière solo passionnante, quoique difficile à appréhender sur disque. Croisé en première partie de Bonnie « Prince » Billy sur une scène parisienne, nous avions pu assister à toute l’étendue de sa palette de contorsionniste de la guitare sèche. Le virtuose autodidacte se pliant à des improvisations instrumentales passant de pièces médiévales à des thèmes orientaux, raga, folk, reprises de Django Reinhardt ou de freak folk songs, car il lui arrive aussi de chanter… Le vétéran joue tout ce qui lui passe par la tête, sans idées préconçues des genres. Enregistré par Paul Oldham, les trois instrumentaux de While My Guitar Violently Bleeds ne font pas non plus dans la compromission : la plus courte expédition dure 6 minutes tandis que la plus longue atteint le palier radical des 25 minutes. “Zurvan” est certainement la pièce guitaristique la plus abordable de ce triptyque apocalyptique : l’impro mêle techniques raga, orientales et latines virant à l’exécutoire obsessionnel. Bien plus abstrait, “Smashana”, tire de l’électricité des halos de feedback d’une noirceur effroyable, faisant hurler la six-cordes du maître sans qu’il n’use jamais de son doigté élastique. Impressionnante maîtrise d’éruption dissonante et psychédélisme malsain. Revenu à ses gammes maléfiques, l’ultime retranchement est une déambulation solo acoustique, cette fois « ambiancée » par un sitar : l’exécution solo devient de plus en plus rapide et aliénante jusqu’au point de rupture critique. Totalement déconcertante pour les néophytes, cette démonstration sans filet ravira les adeptes de sorcellerie folk et fera hurler ses détracteurs. A dégoter également, sa démonstration plus consistante sur la récente compilation dévouée au mentor John Fahey, The Great Koonaklasters Speaks, où figurent à ses côtés d’autres chamans virtuoses de la six-cordes tels que Jack Rose et Badgelore.

– Sir Richard Bishop chez Locust