Cinquième opus pour le crooner de New York. Plus encore que son prédécesseur, ce Sixes And Sevens d’Adam Green est un album bavard, parfois à la limite du mauvais goût, mais encore charmeur. Pour combien de temps ?


Il a l’air tout étonné d’être là, Adam Green, nous narguant d’un air aussi interrogatif que désabusé sur la pochette de ce Sixes And Sevens. Et s’il nous donne l’impression de s’être glissé là en catimini dans l’arrière-fond de ce visuel graphique mangé en partie par une imposante calligraphie, c’est qu’il n’a jamais vraiment, semble t-il, disparu de notre environnement proche.

Déjà deux ans en effet qu’on découvrait Jacket Full Of Danger, album qui l’érigeait en figure, décalée certes, d’un certain songwriting qui allie aussi bien la verve d’un crooner intemporel à l’acide acuité d’un poète folk, la fantaisie kitsch en plus. Sur ce Sixes And Sevens – vingt titres tout de même sur la version définitive ! – on retrouve avec délectation sa voix puissante de baryton, sa marque de fabrique, qui fait de chacun de ses titres un petit talisman. Et peu importe si celui-ci ne dépareillerait pas dans une exposition dédiée à Jeff Koons (comprenez : pas toujours du meilleur goût !).

“Festival Song” s’impose tout de suite avec ses choeurs féminins et autant de déflagrations sonores, un vrai festival de 2 minutes 20, hyper-produit, un peu comme si un film de série Z se prenait, l’espace de quelques scènes, pour un blockbuster. Adam Green a la folie des grandeurs et désormais les moyens d’assouvir ses délires d’orchestration saturée d’effets et d’instruments. Au carrefour de ce que la musique américaine fait de plus indigeste (variété empesée, blues balourd, crooneries cheap), Adam Green, en petit démiurge du second degré, s’en donne à coeur joie en piochant ici ou là le détail qui fera la différence. Et si l’auditeur le suit, cahin-caha, dans ce tourbillon écoeurant, c’est non sans la réflexion étrange que ce génie de la composition doit prendre un plaisir masochiste à saborder ses propres productions. Comme par exemple en utilisant un thème aux cuivres tout droit sorti d’une sitcom et un refrain saturé de choeurs au rabais sur “Morning After Midnight”. Adam ne nous épargne pas non plus les nappes de violons déposées ça et là sans regarder à la dépense, les « oh yeah! », et les breaks des plus attendus – ceux qui devraient susciter les clappements de main de la foule conquise (“Broadcast Beach”). Pour l’occasion, il a même emprunté la flûte de pan à Deep Forest sur “You Get So Lucky”.

Ces facéties confèrent au disque un aspect maintes fois pénible. Pourtant, Adam Green reste très bon dans les ballades solaires, avec ce chaloupé caractéristique (“Twee Twee Dee”, qui ressemble malgré tout à une resucée de son “Party Line” de 2006) et le velours de ses états d’âme (“It’s A Fine”, “Leaky Flask”). Il s’essaie même à quelques expérimentations secouées (“That Sounds Like A Pony” ou “Exp. 1”) qui rappellent un peu les délires sous psychotropes du Velvet Underground en son temps. Son image de chanteur désinvolte, doux rêveur un brin fumiste, acquiert en apparence une épaisseur nouvelle. Mais celle-ci est rapidement tempérée par la tiédeur relative de la majorité des titres : des ballades agréables, sans plus.

A trop vouloir nous régaler avec le faste d’une de ses réceptions, l’ambassadeur risque de nous faire frôler la crise de foie.

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