Les Klaxons avaient fait trembler la terre, cette bande de fous-fur’ confirment que ce qu’il y a de plus meurtrier dans ce genre de phénomènes, c’est la réplique.


Il ne faut jamais désespérer de la jeunesse, surtout dans le rock. Les gardiens du temple s’échinent à répéter que le rock est mort et bien mort ? Qu’aujourd’hui on se contente de customiser les vieilles recettes ? Pourquoi pas. Et pourtant, c’est bien en se jouant des fondamentaux que les groupes les plus intéressants font parler d’eux. Après les Klaxons qui avaient explosé les carcans de la no-wave en la faisant rentrer de plein fouet dans l’electro-clash, ou Mystery Jets et son ravalement de façade de toute la pop britonne, voici Late Of The Pier, beaucoup plus proche des premiers question son — ils partagent avec les seconds le producteur/DJ Erol Alkan –, plus brutal aussi, qui s’emploie à revisiter TOUT le rock bruyant. Détail qui a son importance, ce premier album dure moins de 45 minutes, morceau caché compris. Alors comment faire rentrer 40 ans de rock en 13 titres sur une durée aussi banale ? En mariant les genres dans une même chanson.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on a du mal à trouver le fil rouge de Fantasy Black Channel, ou plutôt, on a du mal à démêler la pelote de fils rouges tellement ce disque file à la vitesse du son dans tous les sens. “Hot Tent Blues” démarre sur des synthés piqués à Van Halen pour se jeter corps et âmes dans une guitare chipée à Franz Ferdinand, et ceci ne constitue que la courte introduction de l’album. A partir de là, les quatre blancs-becs de Castle Donington — une ville où l’on s’ennuie visiblement beaucoup sauf quatre jours par an durant lesquels se déroule un énorme festival de hard-rock pur et dur, ceci expliquant sûrement cela –, enchaînent sur “Broken”, dans un même mouvement, pour aller fracasser ce morceau qui n’avait rien demandé dans une usine de recyclage de verre electro.

Chaque morceau démarre ainsi dans un style pour aller s’achever dans un autre inventé 30 ans plus tôt à des milliers de kilomètres, après être passé par les traitements les plus sadiques possibles. Les complices volent poings fermés du hip-hop de Beastie-Boys au hard-rock FM, en passant par les Beatles dirigés par Macca, sans oublier d’aller prendre des nouvelles d’Aphex Twin qui était en train de boire un coup avec Prince ce jour-là. Jamais l’expression brut de fonderie n’a aussi bien porté son nom, dans la mesure où, dans les fonderies, on y mélange aussi toutes sortes de métaux. Et bien sûr, qui dit fonderie, dit David Bowie. Si à Castle Donington on s’ennuie, on y écoute aussi beaucoup de musique(s), il est donc logique que ces quatre types recrachent tout sans regarder le mur victime de leur purge.

Il fallait bien le producteur le plus en vue du moment auprès de cette génération montante (très haut pour certains) de rockers britons pour canaliser cette déflagration d’énergie pure. Erol Alkan est en effet comme un poisson dans l’eau dans le creuset bouillonnant de LOTP. Eux ont la lave, à lui d’apporter les gerbes. Et de gerbes, il va en offrir plus que de raisons, posant ici un clavier 80’s très Duran Duran — “Heartbeat” –, ajoutant là des boucles electro-clash refusées par Klaxons justement (trop violentes sûrement) — “VW”, “Focker”, et un peu partout ailleurs… Le résultat est ce mélange du meilleur et du pire, sans arrière pensée ni versatilité.
L’avenir dira si le groupe se suffit à lui-même (cette recette est tordue mais redoutable aujourd’hui, mais quid de l’avenir et de la lassitude du public ?), ou si Erol Alkan est le seul liant qui a su faire monter la sauce. En attendant, Fantasy Black Channel est un disque jouissif et épuisant joué avec une sincérité désarmante et un talent époustouflant, dans lequel on reviendra régulièrement puiser après une overdose de jolis arpèges de cordes en nylon.

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