Nouvel album et nouvelle direction pour Grooms. L’indie rock spatial des new-yorkais excite la tête et les jambes. L’une des belles surprises de ce début d’année.


La sortie de ce 4ème album de Grooms fait suite à un double événement. D’une part, un changement drastique de line-up, laissant Travis Johnson (chant et guitare) pour seul membre originel, puis la fermeture de leur studio attitré Death by Audio, où le groupe a eu à peine le temps d’y enregistrer le disque. Revitalisé et porté par un vent nouveau, Grooms signe pourtant sa plus belle partition, et paradoxalement sa plus maîtrisée. En apparence vidé de ses aspérités le son du groupe a évolué. Les membres du groupe ont creusé leurs joues et gonflé leurs larges poumons, pour souffler sur les brouillards noisy et les structures chancelantes qui caractérisaient leurs précédents disques. S’ils négocient dorénavant les dérapages avec l’aisance d’une berline allemande, ils se jouent toujours des structures avec talent. Les nouveaux titres, libérés de la gravité, comme happés par les grandes hauteurs, ont gagné en assurance. Grooms trace désormais des lignes mélodiques claires sur un ciel bleu nuit.

Avec comme toile de fond l’esprit Dischord et DeSoto records, il serait difficile de ne pas songer à Dismemberment Plan, époque Change – et non l’accident industriel que constitue leur dernier album en date. Cette même section rythmique alerte et élastique, ces soubresauts inattendus qui font décoller les compositions – « Comb the Feelings Through Your Hair », « Will the boys ». Grooms se distingue cependant du son de Washington D.C en y injectant une dose massive de psychédélisme rêveur et une approche plus moderne – « Cross off ». Des fourmis dans les jambes et le regard plongé dans la Voie lactée. En pointillé surgissent quelques autres influences, ici une pincée de Women, là une larmichette de Deerhunter ou encore un refrain qui sent bon Pavement – « Grenadine scene from inside ». Dans un tout autre genre, l’album rappelle même étrangement par instants le Jupiter de Cave In, dans sa tentative utopique d’exporter le rock d’ici-bas vers des sphères lointaines. La musique de Grooms demeure hermétique aux étiquettes.

Johnson tire de sa guitare une large palette de notes plongées dans le cosmos. De l’éruption solaire à l’aurore boréale qui en découle. Bien aidée par une production chaleureuse, l’amalgame des claviers omniprésents et des samples venus d’ailleurs, forme d’étonnantes textures oniriques. Le groupe soigne les détails. Comb the Feelings Through Your Hair est une main tendue depuis l’espace, une invitation à chevaucher les comètes, à danser en apesanteur. Si du chaos naissent les étoiles, Grooms en serait le brillant exemple.