Poverty ou la fin d’un romantisme fantasmé.


Après deux premiers albums fort bien accueillis et un succès toujours grandissant, quittant peu à peu l’anonymat, Motorama sort ces jours-ci son troisième album, Poverty. Convertissant avec toujours autant de brio la formule du revival cold / pop / new-wave, ce nouvel album semble néanmoins opérer un tournant. Finies les Alpes, finis les sommets, finis les lacs de Calendar et cette pop sombre et toujours en quête d’espoir. Le groupe entre de plain-pied dans l’ère du dénuement et de la pauvreté. Suivrait-il en cela la déchéance de son pays d’origine ?

En tout cas, les légèretés des albums précédents, les accents positifs ou plus enjoués ont été abandonnés, la production recentrée sur un aspect encore plus new-wave, mélodies de synthés, basse, et cette voix, en revanche, toujours la même. Si elle semblait maniérée ou peu sincère parfois sur les disques précédents, sa couleur prend tout son sens sur ce troisième opus. Une indigence telle que le disque se résout en neuf titres et une trentaine de minutes, pas plus, et s’ouvre sur une note de désespoir « Ugly life through an empty glass »… tout est ainsi résumé dans une chanson au gimmick de clavier entêtant. D’ailleurs, les titres transpirent l’urgence, une énergie dispersée dès le second titre et son rire de caverne : Motorama rit noir.

La basse, les arpèges de guitare, la boîte à rythme canalisent cette inspiration mélancolique et cruellement réaliste autour de mélodies toujours distinctes et envoûtantes. Contrairement aux disques précédents qui manquaient parfois d’un peu d’originalité, chaque instant musical est ici reconnaissable, chaque chanson possède son identité. Motorama invente, non la post-wave mais la « Heavy Wave », de la piste numéro 4 si bien nommée. Et effectivement, Poverty abandonne tout espoir de magie, de nature réconfortante, de rêve possible, il a laissé sur le bas-côté tout romantisme de jeunesse.
Le meilleur morceau de cet album, un « Old » qui ne quitte plus l’esprit de l’auditeur une fois engouffré, traduit à merveille cette lente décomposition (« I love the taste of cigarettes / I love the taste of alcohol ») sur une ligne de basse porteuse et un mélancolique refrain fédérateur.

Poverty relate en peu de mots, en peu de notes, l’urgence et le désespoir du collectif russe sans que ce dernier ne perde le goût des mélodies ni n’oublie son auditeur en cours de route. Il n’y aura laissé que sa jeune naïveté, abandonné son romantisme, pour un disque heavy-wave donc, efficace et sans concession.