Il faut le crier tout haut dès les premières lignes de cette chronique : le quatuor islandais Sigur Ros vient d’accoucher d’un des objets à la fois des plus fascinants et mystérieux qui nous aient été donné d’entendre en cette fin d’année.


Le blizzard nordique vient de frapper de plus belle. Dieu que les hivers doivent être rudes en Islande pour délivrer à nos humbles oreilles un tel monument d’émotion. Il faut le crier tout haut dès les premières lignes de cette chronique : le quatuor islandais Sigur Ros vient d’accoucher d’un des objets à la fois des plus fascinants et mystérieux qui nous aient été donné d’entendre en cette fin d’année. Fascinant, car au fil des trois albums, nos quatre esthètes ont réussit à modeler un son vierge, tellement pure que cela en devient déconcertant. Mystérieux aussi car Sigur Ros sait entretenir le secret.

Ce n’est pas la pochette – dénué de crédit – qui nous contredira. Sur du papier transparent apparaît l’ombre de branches crayonnées ou le reflet d’une rivière. A moins que ce soit un test psychologique? La suppression d’un track listing n’est pas non plus une surprise en soit. De toute façon, personne n’est censé comprendre les paroles en « Hopelandic ». Libre à l’auditeur de créer son univers sur cette bande sonore dantesque.

Le son ici est tout simplement énorme. On sent que le groupe a profité de ses récentes expériences de tournée avec le collectif Constellation et Radiohead pour y peaufiner la production mais aussi les harmonies. Si Agaetis byrjun, l’album de la révélation penchait lourdement parfois par son côté clinquant et laissait entrevoir quelques longueurs, le groupe semble avoir gommé définitivement ces handicaps. Les protégés de Björk ont également opté cette fois-ci vers une instrumentation plus épurée. Finis l’univers rappelant parfois le folklore des Hobbits, place à l’émotion. Pour résumer l’ambiance, imaginez-vous en train d’assister à une cérémonie majestueuse dans une cathédrale de glace perdue au fin fond de l’Islande.

Certaines mauvaises langues n’hésitent pas à comparer le chant de Jonsi Thor Birgisson a des cris de dauphins. Il existe une part de vérité la-dessus. Dur de trouver des références pour expliquer cette voix hors normes : Jeff Buckley accouplé à Liz Fraser? La voix est un instrument à part entière et se fond dans la musique pour devenir une passerelle qui nous amènerait vers des émotions jonglant constamment entre lumière et ombre. Vous l’aurez compris, cet album est l’argument idéal pour plonger délicatement dans les abîmes de l’hiver.