Nouveau projet musical pour Rodolphe Burger, Guitar Music confronte le leader de Kat Onoma à un guitariste de légende, James Blood Ulmer. De cette rencontre ressort un album aux accents blues rock où les fantômes de Hendrix et du Velvet Underground dansent sur une musique où le blanc et le noir ne se sont jamais aussi bien mariés.


Depuis la création de son label Dernière bande, Rodolphe Burger multiplie les collaborations. Entre musique et cinéma, on se rappelle de la mise en son du film muet de Tod Browning « The Unknown » joué en temps réel, lorsque Burger ne joue pas avec les musiciens de Kat Onoma, il stimule les rencontres comme avec Alain Bashung et Chloë Mons, Olivier Cadiot, Vincent Segal, Doctor L, ou encore Jeanne Balibar pour un album à venir, et puis James Blood Ulmer.

Cette confrontation entre ces deux guitaristes aurait pu avoir lieu des années auparavant, puisque le premier choc émotionnel de Burger en voyant Ulmer faire sonner son instrument date de 1976. A l’époque, James Blood Ulmer jouait avec le sextet d’Ornette Coleman, dans un contexte plus proche du free jazz que du blues. Ornette Coleman l’initia à l’harmolodie, une combinaison harmonie/mélodie où tous les instruments sont accordés dans la même clé et les douze notes jouées en même temps.
Par la suite, James Blood Ulmer collabora entre autres avec David Murray, Arthur Blythe, Ry Cooder, Art Blakey une partie de la crème de l’avant-garde jazz. Puis on le retrouva dans ces principales formations, Music Revelation Ensemble, Odyssey The Band, et Phalanx.

Vingt cinq ans plus tard, à l’issue d’un concert commun dans le cadre du festival Sons d’hiver, Ulmer propose à Burger d’enregistrer un album ensemble. Un album où la moitié des morceaux seraient écrits aussi bien par l’un que par l’autre.

Le résultat donne Guitar Music, un disque rassemblant toutes sortes de racines musicales, entre blues et rythmes & blues, jazz et rock à la fois. De ce jeu aéré, libre dans les structures musicales, se détache un dialogue permanent entre deux guitaristes sans pour autant être dans l’improvisation. Là où en général, les duos de guitares ressemblent plus à des concours de virtuoses de l’instrument ou à une répartition carrée des rôles, les deux protagonistes donnent ici l’impression de jouer continuellement ensemble sans distinction de rôle et de ce fait arrivent à une alchimie qui se retrouvent dans les chansons.

Une partie de l’album a été enregistré en studio, l’autre en public lors d’un concert au New Morning à Paris, et pourtant cette distinction ne s’entend pas, tant les sessions studio ont dues être gravées à partir de matériaux live.
Dès la première chanson de l’album « house people », on entre dans l’univers free de l’un et rock de l’autre. « Are you glad to be in America », vieux morceaux de Ulmer est repris dans un contexte de dérive absolue, le dialogue des deux guitares accompagné par les rythmes du Meteor Band en font une nouvelle lecture laissant découvrir la richesse de la composition. « Play with fire », cover du tube des Rolling Stones, est déstructuré à merci et n’a jamais aussi bien été porté par la voix de Burger qu’on est à même de se demander si ce n’est pas en réalité une composition originale.

Ainsi, le pari de Guitar Music réside dans cette façon de s’approprier les chansons qu’elles soient inédites, empruntées ou réempruntées, Ulmer et Blood laisse parler leurs instruments sans tomber dans les travers des technologies studio sans âme pour la plus grande joie de l’auditeur.

– le site du label de Rodolphe Burger Dernière Bande