Une douche de jouvence provenant d’un groupe cultivant son amnésie depuis près de vingt ans. Inconsolables de Felt, Go-betweens et autres ambassadeurs de rêverie pop, réveillez-vous! Ce disque est fait pour vous.


Avec le grand retour de Felt ces jours-ci (l’intégralité de son back catalogue est rééditée avec ses couvertures d’origine, plus de dix ans après celles plutôt lugubres du label Cherry red), il n’est pas étonnant de voir qu’un groupe comme The Tyde bénéficie d’un petit engouement médiatique chez les nostalgiques de pop milléssimé 80’s. Un moindre retour des choses tant le compositeur encensé ici – Lawrence Felt donc – à longtemps connu l’indifférence notoire, tandis que les Smiths récoltaient les glaïeuls sur scène (c’est le cas de le dire).
Caché dans l’ombre depuis près de quinze ans, une poignée d’irréductibles continuaient donc à porter haut le flambeau de leur groupe chéri même après sa traumatisante séparation. Il semble que le jour de rédemption soit arrivé, délectons nous.

Comme le disait si bien un confrère, on ne peut s’empêcher d’avoir la banane à l’écoute du second album de The Tyde. De vieux fantômes que l’on croyait définitivement enfouis reviennent nous hanter : Go-betweens, Orange Juice, Bats, The clean, The Apartements, Lloyd Cole and the Commotions… tous détenteurs d’un savoir-faire que l’on pensait enterré à jamais avec « les années Tapis ».
En cette période de boite à rythme ridicule et synthés gluant estampillés « New Wave », une poigné d’irréductibles considérait la chanson pop comme un art délicat, uniquement concevable avec des guitares claires, un chanteur à la (fausse) timidité maladive et surtout des compos brise-cœur à l’effet instantané. Il en résulta une poignée d’albums magiques dont la plupart ne sont plus disponibles sur le marché depuis un bail : Bats, Chills, Sneetches, la liste est longue…

Mais revenons en donc à The Tyde… Par une quelconque malveillance, il semble que le compteur espace-temps de ce groupe californien se soit justement retrouvé bloqué en plein milieu de la décennie 80. On retrouve dans leur musique la grâce des arpèges légèrement noyés sous des effets chorus, ces ambiances à la fois sobres et bouleversantes, capable de chambouler nos neurones d’un simple accord plaqué de Sol.
Une influence bien étonnante de la part de ces surfers déjà quarantenaires, qui ont beaucoup bourlingué avant de se stabiliser sous ce pseudo bancal. Comble du comble : on chuchote même que les frères Rademaker (noyau du groupe, l’un deux officie également comme bassiste chez les très psychédéliques Beachwood Parks) auraient même effectué la première partie de Duran Duran il y a bien longtemps. L’ennemi ultime. Hum….

Qu’importe, les frèrots se sont rachetés depuis une conduite. Once, premier album distribué en 2002 par le label Limonade n’avait connu qu’un petit écho auprès de la presse spécialisée. C’était surtout histoire de baliser le terrain pour Twice, second album que nous avons maintenant entre les mains, élu d’office album de l’été rien que pour sa pochette ensoleillée.
Contrairement au premier effort enregistré dans l’urgence, Twice est en fait une sorte de best of du groupe compilant leurs trois premiers singles ainsi que du nouveau matériel. L’ensemble n’en reste pas moins cohérent.

Seul à la barre du songwriting, Darren Rademaker a assimilé par cœur le petit « Felt illustré » . Lawrence avoue lui-même avoir été bluffé par cet album lumineux, dont plusieurs hommages disséminés ça et là lui sont directement adressés.
Alors faut-il en déduire que the Tyde est un simple ersatz? Non, car la qualité d’écriture sur Twice est indéniable. Avouons-le aussi, Rademaker chante bien mieux que son inspirateur, un atout non négligeable pour séduire. Et puis Felt n’était-il donc pas directement inspiré par Television à ses débuts?

Ce qu’on remarque d’emblée à l’écoute de cet album lumineux, c’est que The tyde n’est pas obligé de crouler sous les artifices pour booster ses chansons, elles se suffisent à elle-même. Du travail d’orfèvre, une simplicité et une intelligence désarmante qui fait que l’on est immédiatement happé par ces mélodies accrocheuses et rafraîchissantes. Difficile à l’écoute d' »Henry VIII » de ne pas se prendre au jeu : un véritable tourbillon d’émotions nous aspire digne des plus belles heures des australiens de Brisbane.

Construit sur un format de chanson classique couplet/refrain, « Takes a Lot of Tryin' » est d’une richesse mélodique saisissante. Plus loin, « Shortboard City » exhume un court instant l’innocence des Beach Boys (décidément toujours aussi influente et intemporelle). La constance chez The Tyde semble être aussi un mot d’ordre. Ce qui est fabuleux sur cet album, c’est qu’au fil de l’écoute on ne peut s’empêcher de penser : « vont-il parvenir à maintenir la tension? » Et rebelote la chanson suivante! Du grand art.

Après une telle succession de perles, on se dit que l’intérêt soudain pour ce pur objet retro chez la presse spécialisée est largement mérité. Quand on voit l’engouement porté pour les Kings of Leon (du pure Creedence produit à la sauce Strokes, l’illusion est presque parfaite), on se dit que The Tyde devrait décrocher la lune. Primo : les influences sont nettement plus ambitieuses. Secondo : merde! Il y a des règles à respecter tout de même, si on va commencer à encenser des mecs à l’allure piquée tout droit des Lynyrd Skynyrd où va t-on? Je préfère camper sur mes positions plutôt que de contribuer à relancer la flamme Sudiste éteinte depuis plus de 25 ans. Voilà, c’est dit.

Dorénavant, il faudra compter sur The tyde, car ce groupe va contribuer à faire découvrir aux plus jeunes tout un pan de la musique 80’s enfuit pour cause de rééditions foireuses ou inexistantes. Mais avant tout, savourons cette friandise avec délectation, c’est si rare de tomber sur un ovni pareil de nos jours.

– Le site de The Tyde