Ben Gibbard rejoint ses vieux camarades de classe après une escapade élogieuse au sein du Postal Service. Soucieux de cette concurrence amicale, Death cab for cutie compte bien rectifier le tir. Une merveille.


On était en droit de se demander comment Ben Gibbard allait traiter sa priorité number one suite à quelques infidélités chez l’électro-pop amicale de Postal service. Car si chez notre bonne vieille Europe cet électron libre s’est récemment remarqué au sein de ce duo de choc avec Jimmy Tamborello, il est avant tout la voix et l’âme des méconnus ici Death Cab for Cutie. Une des meilleurs formations rock du territoire US et figure de proue du label Barsuk, terre d’accueil pour tout artiste en manque de liberté artistique (The long winters, Nada surf). Ironie du sort, c’est grâce à un projet de seconde main que ce jeune homme de 23 ans (!!) connaît le succès.

Hormis une compilation d’inédits sortie l’année dernière et quelques apparitions furtives, nous n’avions plus de nouvelles du groupe depuis The Photo Album en 2001, malgré l’hyperactivité de ses membres. Transatlicism met donc fin à trois années de silence (hormis une compilation parue l’année dernière) et devrait réconcilier magistralement les fans en attente d’une nouvelle marchandise.

Produit par Christopher Walla, guitariste du groupe qui s’est récemment distingué chez les déjantés Hot Hot Heat, ce quatrième effort studio est indéniablement le plus accessible de la bande à Gibbard. Cela veut-il dire – dans un contexte capitaliste dominant – que c’est celui des concessions? Point du tout l’ami. Death Cab For Cutie se bonifie et devient surtout plus ambitieux – dans le bon sens du terme. Jusqu’ici, leurs albums ont toujours été un peu trop dénués d’âme pour vraiment convaincre votre humble serviteur, même si j’estimais que les ambiances inspirées de Chis Walla et la voix de Gibbard valaient le détour.

Le premier morceau, « The New year », est une entrée en la matière parfaite qui nous transporte dans un tourbillon d’accords avec en sus la voix singulière de Ben Gibbard. Les premières et dernières lignes de chant résonnent encore dans ce fracas sonore : « this is the New Year, and I don’t feel any different« , « There’d be no distance that could hold us back« . Ben Gibbard en profite pour prêcher son pessimisme bien tourné. Ce malaise se ressent plus loin sur le sublime et tout en retenue « Tiny Vessels » puis atteint son apogée sur la fable écologique « Transatlanticism », une petite folie épique à faire pâlir le « Politik » de Coldplay.
Les textures varient au fil des chansons, s’imprégnant parfois d’un piano poignant comme sur « Passenger Seat », ballade en cinémascope qui aurait pu être enregistrée au beau milieu des contrées désertiques chères à John Ford. En bon explorateur, le groupe ne se prive pas d’inclure quelques éléments electro (« Title and Registration ») à son vague à l’âme pop, riche de l’expérience du Postal Service.

Avec tout ça, on aurait presque oublié que Death Cab for Cutie est avant tout un groupe de rock. Les traitements sur les guitares sont d’une inventivité confondante, tantôt harmonieuses rappelant parfois les arpèges déconstruits d’Idaho (« Lightness », « Death Of An Interior Decorator »), tantôt emportées mais pas putassières (« We looked like Giant », « Expo 86 »). Une petite touche de modernisme sur l’instrument de predilection du rock alors que le parti pris à l’heure actuelle est de sonner le plus « live » et crade possible. On remercie donc ces irréductibles.

Pour conclure, le son est tout bonnement énorme. Un travail de dépoussiérage méconnaissable, mené intelligemment et aux forts accents spectoriens : un peu comme si les Ramones enregistraient un second End of a century, mais plus abouti cette fois-ci. D’habitude je ne prête pas forcément attention à ces détails, mais il faut vraiment écouter la caisse claire sur « The Sound and Settling », une véritable prouesse sonore qui offre une dynamique stupéfiante sur un titre à la construction pourtant basique. L’album devrait d’ailleurs ressortir courant décembre en version Super Audio, histoire de nous mettre définitivement à genoux et nous exploser les tympans définitivement.

Un sublime et grand album de rock comportant de nombreux moments de bravoure, logé quelque part entre The Bend de Radiohead et Levitate d’Idaho. Bref, Death Cab for cutie nous est devenu indispensable.

-Le site du groupe

– Lire également notre entretien (janvier 2004)