John Danielle est un homme libre qui a compris il y a bien longtemps que la valeur des songwriters se forge avec le temps. Suivant ce principe à la lettre, les Mountain Goats sont bien décidés à enfiler jusqu’à trépas des chef-d’oeuvres mineurs.


Les Mountain Goats, voilà un nom qu’on aurait aimé inventer tellement ça sonne bien aux oreilles. Paradoxalement, c’est aussi un des plus ridicules (traduire littéralement « chèvres des montagnes »). Bref, outre ce détail mineur (qui se soucie du nom des Pixies?) on imagine bien John Danielle répondre à la question « comment s’appelle votre groupe? » et répliquer fièrement à la manière d’un 007 : « Goats, The Mountain Goats »… Imparable, non?

Blague mise à part, je vous parle de ça car finalement John Danielle, a certainement du répondre souvent à cette question vue la quasi-confidentialité des Mountain Goats durant près d’une décennie. Heureusement, le temps des compilations repiquées sur cassettes et distribuées bon gré mal gré par quelques disquaires indépendants semble déjà loin depuis leur signature chez le label 4AD, comme tout le monde sait chantre de l’indie rock 80’s, qui semble ré émerger qualitativement après une décennie sous perfusion (le dernier Mojave 3, Mountain Goats donc, mais aussi le prochain Blonde Redhead).

Même si on ne peut pas parler non plus d’explosion mainstream, il est certain que le regain d’estime perpétré par Thalasse l’année dernière a permit à cette figure de l’indi-folk d’ouvrir son audience vers de plus larges sphères médiatiques. Fort heureusement, Danielle Johnson n’en a pas pour autant changé ses habitudes : le revoilà déjà avec un nouvel album qui prolonge un peu l’esprit du précédent.

We Shall All Be Healed a été enregistré au Bear Creek Studios à Washington, en compagnie du fidèle Peter Hughes, le claviériste Franklin Bruno et deux nouveaux intervenants, Christopher McGuire (batterie) et Nora Danielson (violon). Le producteur Tony Doogan, (Belle & Sebastian) a passé le relais à John Vanderslice, ex-Meka Ultra, qui a également sorti quelques albums solos chez Barsuk.
Mais bon, tout cela n’a pas vraiment d’importance car on n’achète pas un album des Mountains Goats pour ses prouesses de production mais pour ses comptines pop écorchées, ce ton à la fois moqueur et apitoyé si caractéristique de la personnalité de John Danielle.

Peut-être est-ce dû à son ancien job d’infirmier, mais le leader des Mountain Goats aime se préocuper de son entourage, le choyer et prendre de ses nouvelles. Tel un Saint-Bernard des montagnes, il se transforme en épaule chaleureuse où l’on peut se reposer en toute confiance.
A la manière d’un Jonathan Richman, John Danielle est un troubadour qui, malgré le soutien d’un groupe s’approprie égoïstement l’esprit d’une chanson. De ce fait, et malgré une production nettement meilleure que ceux précédant Thalasse, on a toujours le sentiment d’entendre notre homme seul sur une estrade conter ses petites tranches de vies. Seul lui compte finalement.

Le sentiment s’accentue par le fait que les chansons des Mountain Goats ne sont pas vraiment pop : « Slow West Vultures » démarre comme une chanson des Go-Betweens période Spring Hill Fair pour finalement basculer vers une folk song sans réel refrain.
On sent bien que le groupe veut gommer cette faiblesse en revêtant d’arrangements luxurieux son répertoire, comme sur le néanmoins très réussi « Quito ». Les chansons paraissent alors presque embarrassées par ce surplus de friandises, laissant peut-être passer le côté essentiel, cet art de raconter des histoires.

Bien sûr, on ne rechigne pas à cette perfusion de testostérone jamais outrancière, mais on se dit que finalement tout cela ne sert pas à grand chose. Les chansons des Mountain Goats vêtus de leur squelette se suffiraient à elle-mêmes. Finalement, on ne se refait pas.

-Le site du groupe

– Le minisite crée pour l’occasion par [4AD->
http://4ad.com/weshallallbehealed/]