Quand on compte parmi ses fans Primal Scream, Sonic Youth et Death in Vegas, n’est-ce pas un gage de qualité? Ce quatuor féminin peut être considéré comme le laboratoire expérimental à la Sonic Youth (tiens, tiens…) du féminisme outre-Manche.
Quel bonheur que celui de tomber sur de très bons disques! Et le bonheur est d’ailleurs plus que souvent proportionnel à l’effet de surprise, car je ne m’attendais absolument pas à prendre une telle claque.
C’est un groupe féminin comme il en existe peu. Peu déjà tout court : en effet, combien de groupes de rock féminins intéressants? Parmis les Destiny’s Child, Bangles ou autres Hole, on trouve parfois quelque chose d’intéressant comme L7 ou les Slits – j’allais aussi dire les Breeders, mais chez elles il y a un intrus, un homme! Oui, donc, le fait d’exister est déjà en soi un élément intéressant, mais ne le dites pas aux intéressées car elles n’aiment pas qu’on les catalogue dans ce registre comme des bêtes de cirque que l’on exhiberait à la foule et on les comprend. Certains les ont même déjà étiquetés d’un réducteur « lesbiennes féministes ». Ça ne veut non seulement rien dire, mais de plus, quel intérêt? On n’écoute pas avec la raison mais avec le coeur comme dirait l’autre…
Electrelane nous vient donc de Brighton (Angleterre) et est composé de quatre femmes : Emma Graze derrière les fûts, Rachel Dalley à la basse, Mia Clarke à la guitare, et le tout est supervisé par Verity Susman, qui, à part chanter et jouer de la guitare, sait aussi jouer au synthé et, last but not least, le saxo. Sans évoquer qu’elle peut aussi mimer les chefs de chorale, notamment sur « The Valleys », où elle dirige la Chicago A Capella. Le quatuor en est à son deuxième album, et, mis à part le fait qu’elles font preuve ici d’une maturité sans faille, elles ont eu la très riche idée de chanter sur cet album, alors que Rock it to the moon était exclusivement instrumental et explorait ce que l’on a coutume d’appeler le krautrock, en référence à l’out-rock provenant d’outre-Rhin. Steve Albini, derrière les manettes, explique le reste.
The Power Out arrive à point nommé. Il procure en tout cas le même effet qu’une ambitieuse et décomplexée oeuvre d’art d’envergure. Tout contribue à cette pensée d’ailleurs, sans pour autant tomber dans un maelström qui se dévirait du rock. Oh que non. Le rock est bien là, dans les riffs qui dialoguent, dans les soli de guitare majestueux tellement ils frôlent la maîtrise prodigieuse dans la mélodie en forme de substantifique moelle, qui récompense une écoute assidue sous perfusion. Les titres comme « Take the bit between your teeth » et « Enter laughing » sont de véritables hymnes à la Sonic Youth, les maîtres de l’orge rockeux expérimental, les Mondrian du rock, rien de moins. La différence est qu’ici nous avons droit à une mélodie plus évidente (l’enjoué « Birds »), plus perspicace même, et cela est certainement dû à l’instantanéité de ces titres : on s’y laisse prendre comme des bleus, mais que c’est bon d’être piégé de la sorte.
Dès le premier titre, « Gone under sea », on sait qu’on a affaire à un groupe de rock qui va chercher ses sources chez les New Yorkais sus-cités. Et le deuxième morceau enfonce le clou, avec des cris en guise de refrain sur « On parade » qui ressemblent fort à ceux que l’on peut pousser dans des moments de bonheur simple et ultime.
Verity Susman s’amuse à chanter ici en français à la Stereolab (« Gone under sea »), là en espagnol à la Pixies (« Oh Sombra ! »), et enfin en allemand -histoire de ne point renier son passé krautrock-, sans oublier de citer Nietsche dans « This Deed ». Le reste de l’album est -bien entendu- en anglais. Sa voix, un peu fausse sur certains titres (« Birds »), vous fera irrémédiablement penser -encore- à Sonic Youth mais aussi à Yo La Tengo (normal non ?), voire à Nico.
Et tout comme Velvet Underground, ce groupe fait du bien. C’est le genre de disque que l’on écoutera religieusement et confortablement assis sur son fauteuil, un breuvage à portée de main, tournant et retournant la pochette, à la recherche de la moindre information afin de répondre au « mais comment ont-elles fait ? ». Le rock est une attitude. C’est aussi un art. C’est enfin un mystère. Le coeur a ses raisons que la raison n’entend point…
-Le site d’Electrelane
-Le site de Too Pure