Retour sur ce magnifique album passé complètement inaperçu au début de l’année, où la désolation urbaine de Joy Division prend le pas sur des tempos ralentis d’electro glaciale.


La pochette rappelle d’entrée l’esthétique 80’s tourmentée chère à Factory et ses porte-drapeaux (en berne) que sont Joy Division, Section 25 et The Wake. Faisant écho à la rudesse d’Unknown Pleasures, un logo froid et basique se dessine sur une pochette monochrome, renforçant encore davantage le malaise que véhicule cette musique. A l’intérieur du livret, une mention gravé «Best heard from the floor» évoque également cette époque bénit où les groupes très investies dans leur art demandaient à l’auditeur une implication totale dans la musique.

Effectivement, Pre-Earthquake Anthem demande un effort d’écoute accrue. Non pas que cette musique soit seulement réservée aux passionnés lugubres de musique cold wave, mais la noirceur d’ensemble n’est peut-être pas au goût de tous.

Signé chez Output, le label dirigé par son emblématique patron Trevor Jackson (Colder, Black Strobe) Circlesquare demeure une énigme et nous ne sommes pas étonnés d’être passé à côté de cet album, sorti depuis janvier dans une indifférence presque déroutante. Outre un mix du dernier single d’Unkle « In a State », on n’en saura pas plus sur Circlesquare qui semble fuir les médias comme la peste, si l’on se fit à la bio minuscule fournit par le label.
Seul info rescapée, Circlesquare serait un projet né à la fin des années 90 à Vancouver par le canadien MARCH 21. Le bonhomme semble ne s’imposer aucun rythme de cadence : son premier Ep (Distance After) date de 1999 et depuis plus rien jusqu’ici, Pre-Earthquake Anthem étant son premier album. Heureusement, la musique parle beaucoup plus.

L’écoute de cet album vous fera tomber bien bas, aussi on recommandera de prendre les dispositions suivantes avant toute écoute de l’objet : Prière d’éteindre la lumière de votre chambre avant d’insérer le disque sur votre platine et si, par le plus grand des hasards, vous venez de sortir particulièrement éprouvé par Requiem For A Dream, on ne saura trop vous conseiller de ne pas écouter Pre-earthquake Anthem, qui pourrait être un prolongement de la BO composée par Clint Mansell. Les univers dépeint ici sont communs : désolation urbaine, addiction à la drogue, impossibilité de communiquer, déclin irrémédiable de l’humanité… ces odes au pessimisme urbain sont dépeintes avec une sincérité assez éprouvante.

Fidèle à l’esprit electro-glacial des signatures Output, la musique rappelle celle du congénère Colder, en plus désolé. Les huit titres délivrés ici ont une durée variable entre trois et huit minutes, des rythmes lents forgent la trame de ses nappes synthétiques frigides qui avancent lentement comme un serpent, laissant ainsi une impression de menace permanente.

MARCH 21 chante lentement et épouse avec son phrasé les ambiances malsaines. On a parfois l’impression d’écouter les premiers album d’Underworld en mode ralentis, enfermé dans une chambre froide (« Trancenation »). « Theme For Tonight », autre grande pièce de l’album, s’allonge sur huit minutes et possède quelques passages distordus qui pourrait rappeler le magma sonore d’un Kevin Shields lorsque celui-ci était invité à triturer les bandes de Mogwai. Si l’usage des machines reste très contemporain, on ira tout de même puiser les influences 30 ans plus tôt, vers la sophistication allemande d’un Bowie et The Idiot d’Iggy Pop. D’autres évoquent les motifs hypnotiques et cauchemardesques d’un Suicide, voire quelques thèmes du non moins possédé guitariste Robert Fripp.

Alors oui, Pas très « joyeux joyeux » comme programme, mais ce n’est pas le but ici de toute façon. Cette gravité laisse peu à peu la place à un charme envoûtant que l’on a bien du mal à se refuser. Qu’il est bon parfois de croquer le fruit défendu.

-Le site de Circlesquare