Dans l’ombre du milieu hip-hop underground au Canada, Sixtoo arrive étrangement à marier le hip-hop instrumental pur et dur avec un rock psychédélique et expérimental. Chapeau pour cet album énorme.


On ne dira jamais assez de bien du premier album de cLOUDDEAD qui a ouvert la brêche à un hip hop plus sombre et expérimental, porté vers des dérivations mêlant adroitement le son glacial de Bristol avec des élements plus électro et post-rock. Portés par la vague Anticon et Dej Jux, les anglais du label Ninja Tune ne veulent pas rester à la traîne et ont donc signé Sixtoo, un artiste qui se rapproche le plus de cette nouvelle mouvance passionnante.

Surnommé « Sixtoo », Vaughn Robert Squire crèche au Canada, à Hallifax, et a déjà collaboré avec Sebutones, Buck 65, Sage Francis, Peace, The Goods. La sortie en 2001 de son album The Psyche Intangible lui avait ouvert une reconnaissance critique à défaut d’une audience à la hauteur de ses ambitions. Pour ce nouvel album, la bio nous apprend que Sixtoo a enregistré avec de véritables musiciens (et pas n’importe quels musiciens puisqu’il peut se targuer d’avoir ici, entre autres, Damo Suzuki de Can ou Norsola et Thierry de Godspeed you Black Emperor !) pour ensuite les sampler comme il le veut. En d’autres termes, il a créé ses propres samples.

En tout cas, ce qui frappe dès la première écoute c’est l’énorme richesse sonore de ce disque. Et l’on se dit que l’on est tombé sur LE disque que l’on cherchait depuis qu’on est resté scotché sur les morceaux en acoustique jam-session des Beastie Boys, principalement sur les albums Check Your Head et Ill Communication (pourvu que la prochaine livraison du groupe soit meilleure que Hello Nasty et du même acabit que les deux chefs d’oeuvres précités…).

L’autre bonne surprise est d’apprendre que c’est le fameux label Ninja Tune qui est allé le chercher pour lui proposer de l’héberger. Ce label fait partie de ceux à qui on peut le plus souvent faire confiance sur les choix artistiques audacieux. Et on est pas déçu : on a bien le son Ninja Tune, proche parfois de The Herbaliser et parfois d’Amon Tobin, en passant par -bien sûr- Roots Manuva et Skalpel. « Chewing on glass » ou « Snake bite » sont tout à fait dans la lignée jazzy groove de The Herbaliser et du label anglais.

Mais ce sont des titres comme « Sidewinders » qui mettent le feu aux poudres. D’une évidence rythmique à toute épreuve, on peut écouter ce titre en boucle sans se lasser. Vous pouvez y aller, le titre ne dépasse malheureusement pas les 3 minutes (il dépasse pile poil les deux). Cette précision est d’ailleurs de taille, car beaucoup des titres qui sont proposés ici, suivant la technique du sampling, ne dépassent que rarement les quatre minutes. Les seuls titres « chantés » comme « Funny Sticks Reprise » et « Corse drawn carriage » font naître le désir de revoir Senser revenir sur le devant de la scène avec la basse/batterie bien en avant et la voix criarde de son chanteur au porte-voix. Ça donne un son crade qui accroche, très proche des disques de cette catégorie qu’est le hip-hop alternatif, avec l’aiguille du tourne-disque qui grésille sur les poussières. La batterie est largement mise en avant, et ce pour notre plus grand plaisir. « The Honesty of Constant Human Error » en est un exemple saisissant.

Quand arrive « Boxcutter Emporium Pt.2 », on croit rêver. On a affaire ici à une batterie bien lourde et des nappes de synthé à la Amon Tobin qui ne peuvent que vous faire chavirer. Senser n’est pas loin non plus, en instrumental cette fois. L’électro n’a pas été oubliée : dans cet océan d’instruments samplés, se nichent ici et là des bidouillages électroniques divers, voire même exclusifs. « Old days architecture » lorgne du côté d’Autechre ou Squarepusher, à savoir l’électro pour puristes, ou, pour reciter un artiste de Ninja Tune, Funki Porcini !

Enfin, « Storm clouds & silver linings », titre long de presque neuf minutes est un superbe hommage au rock expérimental popularisé par Can (et aidé ici par son chanteur). Il se trouve là comme un edelweiss parmi la neige étincelante. C’est marrant, on pense même aux tarés de Dub Narcotic Sound System. Comme quoi entre tarés on se comprend !

Ce disque est donc sublimissime ! Rien à ajouter.

Le site de Sixtoo

Le site de Ninja Tune