Cet album, présenté de façon un peu réductrice comme émanant du groupe qui accompagnait Jeff Buckley, étonne par sa fraîcheur, son dynamisme et son humour.


The A.M. a un Curriculum vitae que d’autres doivent forcément lui envier. La maison de disques l’a d’ailleurs bien compris, puisque le trio est présenté comme « le groupe accompagnant Jeff Buckley« . Mais cela induit surtout en erreur sur la marchandise. En effet, car qu’attend le macadam lambda qui lit cette info : un son proche du regretté Jeff Buckley. Ou pire : imaginons quelqu’un qui ne peut pas sentir Jeff Buckley -j’en connais à qui sa voix donne de l’eczéma- , il y a de fortes chances qu’il ne daigne approfondir la chose et qu’il laisse le disque prendre la poussière dans le bac… Tout ceci pour dire que dans un cas comme dans l’autre, cette publicité, bien que fondée sur des faits réels, frise la publicité mensongère et c’est bien dommage.

The A.M. , vous l’aurez compris maintenant, n’a rien, mais strictement rein à voir avec ce que faisait le Jeff. La musique, la voix (la voix !), le style, tout, absolument tout est aux antipodes de Buckley. Alors de deux choses l’une : soit Michael Tighe (chant et guitare) et Parker Kindred (batterie et choeurs) étaient absolument écrasés par le chanteur décédé en 1997, soit ils étaient frustrés comme c’est pas permis, soit enfin Andrew Wyatt (basse et claviers), le troisième homme, est venu secouer le prunier et a injecté sa dose de funk et de glam-rock qui caractérisent aujourd’hui The A.M. On ne le saura pas. Soit encore, possible aussi, les deux lascars veulent tellement se faire remarquer pour eux-mêmes qu’ils ont diamétralement changé leur fusil d’épaule…

Ça ressemble à quoi alors ? Et bien beaucoup de noms -prestigieux pour la plupart- viennent à l’esprit lorsqu’on écoute The A.M. : David Bowie, Roxy Music, T-Rex pour le glam-rock, et Prince (période Purple Rain/Around the world in a day) pour le funk et le psychédélique. On se croirait à l’écoute d’un groupe de ces périodes glorieuses du rock mais bénéficiant des qualités d’enregistrement actuelles. Parlons-en d’ailleurs : beaucoup de cordes, de cuivres, de grandiloquence qui donnent à la galette ses lettres de noblesse. Pour le premier album d’un groupe, force est de constater qu’ils tiennent le bon bout, et ce dès le morceau d’ouverture,  » Colors are beginning to deepen ».

« Changeling » montre par un refrain très original la palette de sons qu’arrive à émettre le chanteur, usant à outrance les aigus alors que sa voix est plutôt proche du graveleux : on pense à Zop Hopop, le chanteur belge qui avait repris -tiens, comme c’est marrant ça- David Bowie (« Ashes to Ashes ») dans son dernier disque, (Interlude) (2003).

Le single « If I was the sheriff » est d’une efficacité à couper le souffle, qui pourrait concurrencer le garage-rock re-popularisé par les Strokes ou le punk-groove de Franz Ferdinand. Car tout évoque les années 70 et 80 sur ces titres. Tout. Même leur look. Il enfonce le clou dans le bien nommé « Utopia » ou « Spellbound », et c’est alors à un autre troubadour des temps modernes, aussi inclassable, que l’on pense : Bobby Conn & the Glass Gypsies . « Deep city driver » est dans la même veine, proche d’un « Fashion » de Bowie par exemple. La manière de chanter semble empruntée à l’art du spectacle, au cabaret, et c’est ce qui donne cette fraîcheur à l’ensemble.

Cet album est assurément la bonne surprise que l’on n’attendait guère. Et on est content.

Le site de Recall records

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