Le second album du musicien de Harlem continue avec un rock bien Springsteenien, parfois émouvant, qui ne révolutionnera guère, mais qui a le mérite de ne pas jouer les frères putassiers. Touché.


Le constat reste édifiant : nombreux sont les rockers qui ont emprunté le même chemin de « baroudeur rock » que celui du « Boss » (Springsteen, pour les incultes) et se sont ramassés lamentablement. Et oui ! Pas évident d’être sincère en 2004 lorsqu’on véhicule autant de clichés que celui de rebelle rock n’roll à fleur de peau. Voyez un peu : les livres de Kerouac n’ont plus vraiment la cote (le trash façon Brett Easton Elis a pris le relais depuis), et même si le rock a le vent en poupe en ce moment, cette image de « rocker romantique » est un peu hors contexte. Pour argumenter, les langues perfides diront même que l’auteur de « Johnny 99 » n’a plus rien sorti d’excitant depuis près de 20 ans et que la relève se fait attendre. D’ailleurs, l’enfant du New Jersey ne s’en soucie guère, trop occupé à rallumer avec le overbodybuildé The Rising, la flamme de sa patrie traumatisée par le 11 septembre. Mais en vérité, a-t-on réellement besoin d’un nouveau Bruce Springsteen ? La réponse est non bien sûr.

Jesse Malin, semble pourtant postuler à ce poste. Il ne s’en cache pas vraiment d’ailleurs et avait repris « Hungry Heart » dans une de ces excellentes compilations du magazine anglais Uncut. L’ex D Generation, combo glam-punk New-Yorkais plutôt coté en son temps, possède en tout cas la gueule de l’emploi – physiquement parlant – avec son air rital et ses relents punks.

Son pote Ryan Adams avait produit The Fine Art of Self-Destruction, premier album solo pas révolutionnaire pour un sou, mais qui avait le mérite de s’écouter agréablement d’une seule traite sans jamais vraiment laisser un sentiment d’ennui. Irrémédiablement, avec les liens de cause à effets, les comparaisons vont bon train et certains critiques ont vu en ce premier effort « le meilleur album qu’Adams ne fera jamais ». En vérité, les deux se valent, mais Malin semble plus sympathique qu’Adams et pourrait bien se révéler une alternative bienvenue pour ceux allergiques à l’arrogance maladive de son frère ennemi, l’ancien Whiskeytown. De plus, l’homme possède un joli brin de voix, assez proche de Neil Young.

Pour son deuxième album, toujours enregistré dans la Big Apple, Malin a préféré produire lui-même son disque plutôt que de laisser les manettes à un producteur vedette. Pour l’auditeur, le résultat ne diffère pas vraiment du disque précédent, si ce n’est peut-être que les 14 titres peuvent sembler plus près du coeur, l’homme prenant un « malin » plaisir à tirer sur la corde sensible de l’auditeur. Ryan Adams, malgré son calendrier bien chargé, a tout de même fait un petit détour en studio pour enregistrer quelques parties de Telecasters sèches.

Afin de passer le cap crucial du second album, notre rocker d’Harlem en a profité pour convier d’autres potes aux festivités, histoire de détendre l’atmosphère. On peut d’ailleurs s’amuser à scruter les crédits tant ce disque regorge d’invités : Pete Yorn, Melissa Auf der Maur, Joe Mc Gynti (Ween) et d’autres plus confidentiels de son entourage.

« Mona Lisa » titre accrocheur mais pas bouleversant, a au moins le mérite de donner le LA : un rock de bonne facture on ne peut plus classique mais qui ne tache pas, dans l’esprit de son poto Adams : on connaît par coeur les ficelles, mais force est de reconnaître qu’il ne s’en sort pas mal le bougre, plutôt bien même dans ce registre. Les compositions en elles-mêmes n’ont pas vraiment évolué, mais on peut reconnaître une production plus pointilleuse. L’entêtant « Swinging Man » est un des titres les plus efficaces, poignant à souhait avec de beaux accents mélodieux qui rappelle aussi beaucoup le côté exalté d’un Paul Westerberg (autre référence importance d’Adams, qui peut expliquer les affinités des deux musiciens)
Pour situer d’ailleurs un peu le niveau, on dira que ce disque ne vaut pas les meilleurs Replacements (le bassiste Tommy Stinson y fait d’ailleurs quelques vocaux), mais il s’en tire tout de même mieux que les derniers disques solo de Westerberg (mis à part l’excellent GrandpaBoy).

Autre perle du disque, « Arrested » possède un refrain mémorable, de ceux qui s’incrustent dans votre tête aussi facilement qu’une lettre à la poste. Malin excelle aussi dans la ballade folk tel qu’en témoigne « Block Island », un morceau que ne renierait pas The Band, voire Neil Young. « Hotel Columbia » est un titre plus relevé qui emprunte beaucoup à la dynamique d’un Springsteen, mais le disciple s’applique à la tâche et cela s’écoute avec plaisir.

Ce côté un peu trop flamboyant peut parfois agacer, mais Malin possède assez de talent pour tourner tout cela à son avantage. Comparé à « The Boss », le gamin ne possède pas le même don de la prose, mais il se débrouille toujours plutôt bien pour décrire des relations sentimentales tumultueuses. Pas vraiment vantard, juste ce qu’il faut pour influer quelques phrases piquantes et mémorisables.

Au final, il manque peut-être ce petit brin de folie qui pourrait faire changer la donne sérieusement et élever notre second couteau en première division. En attendant, Malin porte bien son nom.

Le site de Jesse Malin

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