Laurent Garnier et Jacknife Lee sont tombés sous le charme de ses deux Polonais qui revisitent le jazz de leurs contrées pour le dépoussiérer et le revigorer : mission accomplie.


Dans ce monde que l’on dit communément mondialisé, et dans cette Europe à présent élargie, on ne peut que se réjouir du foisonnement culturel que cela nous apporte. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le nombre de groupes ou d’artistes polonais, ou venant d’Europe de l’est se comptent dorénavant à plus que sur les doigts d’une main. Alors quand on chronique un album qui est la résultante d’un combo polonais, et que de surcroît il est bon, on ne peut que se réjouir de cette ouverture des frontières sonores.

Skalpel est un duo composé de Marcin Cichy et d’Igor Pudlo, tous deux DJ originaires de la -triste- ville de Wroklaw (appelée Breslau sous la Prusse de Bismark, et à nouveau sous l’occupation allemande). Alors qu’ils travaillent pour un magazine hip hop polonais, et que pour ce dernier ils font l’interview du russe DJ Vadim, ils finissent par tellement bien s’entendre avec ce dernier qu’il décide de les amener avec lui en tournée, puis de les présenter au label qui l’héberge : Ninja Tune. Forts d’un CD-R intitulé Polish Jazz, les deux lascars voient les portes s’ouvrir et un contrat affluer.

En bons DJ qui se respectent, et chauffés pat le succès de leur démo, les deux polkas décident de partir à la recherche des sons oubliés du jazz polonais, afin de sortir de la poussière des bijoux du genre. Le résultat est à la hauteur de l’attente -même si l’attente était vague me direz-vous…

Dès le titre d’ouverture, « High », on reconnaît la patte du label Ninja Tune, un son très jam session, qui fait bigrement penser à The Herbaliser. La contrebasse, la batterie et les sampling sont les trois ingrédients majeurs de leur musique qui pourrait se qualifier de jazzy tout en étant trip-hop. Mais ça ne se limite pas à ça : « Theme From Behind The Curtain » évoque les allemands de Tied & Tickled trio et ses envolées de cuivres, ou encore The Cinematic Orchestra et son jazz imagé.

Mais ce qui frappe le plus, c’est que le jazz made in Poland n’a rien à envier à celui américain. C’est ici au jazz dans la lignée d’un Miles Davis que l’on a droit, à savoir un jazz très Birth of cool et Kind of Blue, qui invite à une zen attitude permanente. Les sampling de voix radiophoniques polonaises ne choquent pas, tout reste fluide. C’est même assez agréable à l’écoute car proche du russe (dans les intonations), ça se laisse passer sur la platine avec une décontraction rare. « Quizz » invite au délassement total, au laisser-aller complet. Quelques sons plus obscures évoquent Amon Tobin, le brésilien abrité, lui-aussi chez Ninja. Comme quoi, ce label, mine de rien, est très mondialiste.

Le dernier titre, qui est aussi le single, « Sculpture », est tout simplement prodigieux. Essayez d’imaginer une des jam sessions de qualité des Beastie Boys en version plus calme, au tempo plus mesuré, et vous aurez une idée de ce à quoi ressemble ce disque. Le clip vidéo donne une bonne idée de l’idée qu’ont les deux bonhommes de ce qu’ils font : surtout pas de prise de tête !

Le site de Skalpel

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