Il y a des fois où l’on se dit qu’en dépit des nombreux bons albums qui paraissent chaque mois, le style pop/rock est voué à se répéter éternellement… Et puis soudain, un OVNI débarque pour nous en mettre plein les mirettes. Et cet OVNI, cette fois-ci c’est Blueberry Boat.


Ce qui est embétant, c’est que lorsque l’on chronique uniquement des albums que l’on aime, on a du mal à se recycler en matière de phrases incitant le lecteur à courir l’acheter. La plupart du temps, on l’aime simplement, et on se contente de le dire de diverses façons. Alors, que faire lorsque l’on tombe sur un disque qui nous asssène tout bêtement un bon gros coup de massue sur la tête ? C’est exactement ce que votre chroniqueur a ressenti en écoutant « Quay Cur », le morceau d’ouverture fleuve (10’28 » tout de même !) de Blueberry Boat, deuxième album du duo new-yorkais The Fiery Furnaces.

Tiens, un duo américain, mixte (Matthew et Eleanor Friedberg sont frères et soeurs) en plus, on ne peut pas dire que ce soit étonnant de nos jours (The White Stripes, The Kills…). Ici, cependant, oubliez tout concept de pop song formatée de 3 minutes, ou encore de morceau rock bien carré pouvant faire un tabac sur les ondes.

C’est d’ailleurs pour cela que le coup de massue est d’autant plus violent. Ce qui est vraiment fort, c’est qu’en un seul morceau, nos deux compères réussissent un véritable tour de force en versant tous leurs ingrédients dans la même marmite : beat electro, notes de piano très simplistes, solos de guitare excellents et bien barrés, bottleneck utilisé à toutes les sauces, bruits bizarres directement sortis d’un synthétiseur Toys ‘r’ Us, entremèlement de voix masculine et féminine… un véritable pot-pourri de créativité où les morceaux changent et passent du coq à l’âne toutes les trente secondes, sans jamais se répéter.

Honnètement, ça faisait bien longtemps que quelque chose d’aussi frais n’était pas aparu à nos oreilles. Car ici, le terme rock ne convient pas du tout. Pas plus qu’un autre terme, d’ailleurs. Que penser d’un album où l’on peut entendre une intro au piano-bar type saloon, suivi d’un savant mélange de samples aussi déjantés les uns que les autres ? Certains n’accrocheront pas du tout, c’est compréhensible. Mais si vous êtes un tant soit peu aventurier, vous devriez succomber à ce curieux bricolage très artisanal tout autant qu’au charme de la voix très sèche d’Eleanor Friedberger et ce feu d’artifice coloré de tous les instants…

C’est simple, rien n’est à jeter. Chaque seconde de cette galette est parfaitement à sa place, une suite pourtant illogique et imprévue (et c’est ça qui fait la force de la chose !) de la seconde précédente. « Straight Street » et son intro au bottleneck enchante, « Blueberry Boat » et ses bruits tous aussi étranges les uns que les autres intrigue, « I Lost My Dog » fait sourire…

Aussi bon que Blueberry Boat, leur premier album Gallowsbird Park est dans la même veine, et démontre que The Fiery Furnaces n’ont pas été touchés par la grâce divine l’espace d’un seul opus. Les influences sont palpables (le frangin Matthew a passé toute sa jeunesse à écouter et réécouter les Who), mais contrairement à une majorité qui se contentent d’un plagiat amélioré, ici, elles servent de solides bases pour explorer des horizons très différents. Si l’on voulait résumer leur musique assez grossièrement, on pourrait qualifier tout ça de bric à brac léger, joyeux et très inventif, mixant une pléthore de genre et d’idées aussi différentes que Rod Stewart l’est de Frank Zappa.

Alors, si après avoir écouté « Blueberry Boat », vous contestez le fait que c’est probablement l’album le plus original depuis un bout de temps, amenez nous les preuves de vos dires ! Et d’ici là, profitez-en sans aucune modération !

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