Reprenant le flambeau shoegazer laissé orphelin par Slowdive, ces californiens réhabilitent dignement les effluves de réverbe saturées. Le point de rencontre idéale entre rock flamboyant et mur du son élégiaque.


Kevin Shields, grand manitou de My Bloody Valentine, ne s’en ait toujours pas remis. Lui qui s’obstina à créer un son monstrueux avec Loveless, avait enfanté – malgré lui – l’un des courants les plus étranges que le rock ait vu apparaître : la secte des regardeurs de chaussures.

La vague « Shoegazing » donc, courant dénigré en son temps, officia pendant une courte période au début des années 90 (trois ans tout au plus). Trop souvent considérée à tort comme une tribu de musiciens défoncés se bornant à recréer – armés de leurs guitares – le son d’un boeing 747 en plein décollage, le mouvement a pourtant exploré de nouvelles voies ambient, mixant la pop psychédélique avec des sons de réverbe outrancière, repoussant parfois les limites de l’audible. La plupart d’entre eux ont été lynché en place publique, accusés d’avoir pris le train en marche, la référence Loveless servant toujours de comparatif écrasant.

Il reste pourtant quelques noms mémorables de cette période, Slowdive, Ride, les premiers Moose et Boo Radleys, tous disparus… Mais avec le recul, ce n’est qu’après sa période faste que le courant a enfanté des albums autant passionnants (Beat de Bowery Electric, C’mon Kids des Boo Radleys, Sigur Ros…) mais a surtout ouvert la voix a quelques-uns un des meilleurs groupes post-rock actuels, dont l’influence shoegazing reste écrasante, ainsi qu’une frange passionnante des nouveaux bidouilleurs (Morr Music, clouDDEAD…) .

Les californiens de The Meeting Places, eux, ont bu directement à la source. Le son de guitare tronçonneuse émanant d' »Only Shallow » semble leur avoir laissé des séquelles durables dans leur musique. Ce quatuor constitué à l’origine de quatre guitaristes (rien de tel pour créer un mur du son), a dû certainement cambrioler le grenier de Neil Hastead, récupérant ainsi un vieux carton remplis à raz bord de pédales d’effets, bazardé suite au naufrage de Slowdive. En effet, nos amis tentent reconstruire les sons de cathédrale érigés sur Souvlaki (1996), second album de Slowdive, leur chef-d’oeuvre mésestimé.

Comme tout album shoegazer digne de ce nom, le son prend une place considérable. Impressionnante de maîtrise, la paire de guitaristes Chase harris (au chant également) et Scott Mc Donald fond ses guitares autour d’un son spatial, omniprésent, noyé par des vagues de larsen se répétant à l’infini. On marche souvent au ralentis, propulsé en orbite sur une lune profondément rêveuse et mystérieuse.

Habiles compositeurs de pop-songs poignantes, The Meeting Places parvient à quelques petits miracles lorsqu’ils arrivent à faire cohabiter leurs deux mondes. La puissance opère directement sur des titres comme « Freeze Our Stares », « Now I know You Could Never Be The One » et « Same Lies As Yesterday », alternant couplets planants et refrains radioactifs déclenchés par leurs boîtiers d’effets. La voix de Chase Harris manque peut-être d’un peu de mordant et certains titres se laissent également aller à la facilité (habillage sommaire prétexte à dévoiler leur armada shoegazing), mais l’ensemble demeure tout de même de haute tenue. Les meilleurs passages ne craignent aucunement la comparaison avec leur graal personnel.

Si le Concorde n’est hélas plus en activité, The Meeting Places a pris humblement le relais pour tenter de nous faire traverser de mur du son.

-Le site officiel de The Meeting Places

-Le site du label Words on Music


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