Toujours porteur de mélodies six-cordes subtiles et rêveuses, cette troisième galette du quintet de Caroline du Nord dévoile des trésors de sensibilité au fil des écoutes.


Mais qu’est-ce qui cloche chez les Kingsbury Manx ? Ce groupe possède pourtant toute les qualités pour être énorme : des mélodies douces et enchanteresses, des influences estimables (l’innocence des Byrds, les arpèges délicats de Nick Drake, le brin de folie d’un Syd barrett) sans compter des pochettes sublimes, digne des grandes toiles des maîtres impressionnistes.
Oui, ces gars là ont du goût, et pourtant malgré déjà trois albums derrière eux, les Kingsbury Manx peinent à élargir leur audience, balottés entre l’admiration de leurs pairs et leur statut maudit de groupe « culte ».

Issu de la scène indépendante de Caroline du Nord, le quatuor (devenu quintet avec l’arrivée du clavier Paul Finn l’année dernière) sort un premier album éponyme en 2001, véritable bol d’air frais pour tous les amateurs de guitares cotonneuses et ambiances en dilettante. Très bien reçu, le disque figure même dans quelques classements de fin d’année de revues spécialisés.
Fort d’une formule originale, la formation possède de plus cette particularité singulière d’avoir trois excellents compositeurs en ses rangs : Ryan Richardson (batterie, basse, chant), Kenneth Stephenson (guitare, chant) et Bill Taylor (guitare, chant).

Malheureusement, la deuxième livraison – le pourtant honorable Let It Down – sonne comme une redite du premier et l’intérêt retombe brutalement comme un soufflet. Comme bien des groupes où l’engouement du premier album contraint inexorablement à se surpasser, on sent sur ce disque les Kingsbury Manx emprisonnés dans leur propre jeu. A tel point que ce nouvel album – chroniqué ici et sorti à l’origine en 2003 – est passé totalement inaperçu. Cruel sort, car leurs disques ont pourtant le mérite de vieillir admirablement.

Conscient peut-être de ses limites, le groupe s’est fait violence sur The Aztec Discipline, enregistré en cinq temps dans différents studios. Un disque troubadour donc, qui se ressent jusqu’au tempo, plus relevés que d’habitude. Rassurons-nous, ce n’est toujours pas du Slayer, nos amis restent fidèles à leur formule (magique), mais se permettent quelques digressions pertinentes.

Après un premier disque porté sur l’innocence amoureuse, puis un autre sur le tourment sentimental, The Aztec Discpline évoque cette fois la séparation.
Le disque est plus sombre, de nouvelles ambiances ont envahi l’espace créatif. Fini les nuages roses, les cordes se font plus torturées, on sent que le vent va tourner et qu’une tempête pointe le bout de son nez à l’horizon. Rien de bien brutal, mais des sentiments malsains viennent enrober ces mélodies pourtant si vierges (« De-Da Demantia », le mystérieux et très floydien « Dinner Bell »).

On retrouve aussi cette collection de chansons boisées un brin cosmiques chère aux disques précédents (« Your Castle », « Plez Komet », et l’emporté « Grape To Grain »). Et puis parfois, le miracle se produit, le temps d’un bouleversant « Fixed bayonets », à filer des boutons de fièvre à Sam Beam, le menuisier surdoué d’Iron & Wine.

A part peut-être un disque de Gorky’s Zygotic Mynci ou Radar Bros, vous ne trouverez pas une si belle brochette de mélodies plus attachantes et élégantes cette année.

-Le site officiel des Kingsbury Manx