Faisant le lien entre Cocorosie et Devendra Banhart, Joanna Newsom, sa harpe, son clavecin et sa voix nous envoutent pour un voyage au pays des sirènes.


Joanna Newsom fait partie de toute cette nouvelle mouvance venue des Etats-Unis dont font partie Devendra Banhart ou Cocorosie. Tous se connaissent d’ailleurs et évoluent dans un style musical que l’on pourrait tenter de baptiser par Minimalisme hybride, si tant est que cela veuille dire quelque chose… Minimaliste ça l’est en tout cas puisqu’on se limite au strict minimum, pas de place pour les fioritures ici. Et pour cause : les voix ont ici leur importance, capitale même. Cette nouvelle génération de songwriters sans complexe est en tout cas très prometteuse. A tel point que Will Oldham voit chez Joanna sa conteuse préférée.(selon Pitchfork)

Vous aurez d’ailleurs probablement remarqué l’étrange ressemblance entre cette pochette et celle de Devendra. Certains diront peut-être que c’est n’importe quoi : ils n’y se sont pas attardé et c’est dommage car ces visuels en disent bien plus qu’elles ne semblent vouloir révéler. Ce sont des oeuvres d’art à elles toutes seules. Rien de moins.

Ce qui frappe d’entrée de jeu avec Joanna, outre qu’elle est joueuse de harpe et de clavecin, c’est sa voix. Une de ses voix comme on en entend peu, proche de la spécificité d’une Björk par exemple. Sa voix et son harpe sont les ingrédients principaux des douze titres qu’offre l’album. Parfois une guitare ou un piano viennent prêter main forte aussi. La harpe, instrument, qui même dans le registre classique, n’est que très peu usité, bénéficie ici d’un espace pour le moins proéminent. « Cassiopeia » en est un exemple flagrant. C’est nouveau, frais, et ça redonne ses lettres de noblesse à cet instrument qui, comme l’accordéon, n’a pas vraiment la cote dans le rock, soit-il indie. « The book of right-on » est une perle de la basse : tout le savoir faire -en contrebasse cette fois-ci- de la belle s’y trouve. Le clavecin sur « Swansea » met particulièrement ses talents de vocalise en valeur.

Le chant de Newsom si spécial que sur « Inflammatory writ » par exemple on croirait entendre une sorcière! Mais c’est rare. On pense plutôt aux sirènes qui sont venues enlever Zeus… A la première écoute cependant, tout comme pour Cocorosie et même Devendra, elles désarçonne tant, elle est tellement éloignée des sentiers battus qu’on se surprend à ne pas vouloir approfondir la chose, tout en se disant que l’on passe peut-être à côté de quelque chose.
Ah, les chroniques de disques c’est pas toujours facile : la responsabilité que l’on a sur les épaules est lourde de conséquences – si ce n’est sur le lecteur, déjà pour commencer, sur soi. On s’en voudrait d’être passé totalement à côté de quelque chose de spécial, de valeureux dans un monde de la musique qui n’a jamais été aussi foisonnant, et là réside toute la difficulté. Mais je m’égare. Tout ceci pour dire que j’ai bien failli passer à côté, et je me rends compte maintenant que s’eut été dommage.

Les paroles valent le détour également. « There are some mornings/ When the sky looks like a road » rappelle le réalisme et la simplicité des paroles des soeurs Cassidy. On s’imagine tout à fait sur un rocking-chair dans l’avant-cour d’une maison coloniale en Louisiane…

Véritable petit oratorio folk, cette galette est l’aiguille perdue dans la meule de foin. Le foin est cependant tellement dense qu’il y a du boulot! Car même si l’on peut reconnaître des qualités indéniables à ce disque, force est de reconnaître qu’il demande un effort -d’écoute, de concentration, de patience- tellement conséquent qu’il ne se laisse pas écouter et puis basta. On peut du coup vite décrocher. C’est un peu le même problème que le cinéma d’auteur en somme.

Le site de Joanna

La chronique de Cocorosie

La chronique de Devendra Banhart