Qui a dit qu’à la Pinkushion Team il n’y avait pas de fans de Muse ? Sauf qu’ici, on l’écrit mOOse sans U… 12 ans après sa parution, la pop baroque et noisy d’XYZ demeure l’une des plus belles odyssées pop des années 90. Gravé pour l’éternité dans les tablettes de la loove attitude.


XYZ (1992), Honee Bee(1994), Live a Little Love a Lot (1995) et High Ball Me ! (2000)… Difficile de choisir parmi l’un des quatre disques de Moose, tant chacun comporte des instants d’une excellence rare. Un peu par lâcheté, on commencera donc par le commencement, avec XYZ, premier pavé d’une lignée prodigieuse.

Tout comme les Pale Fountains durant les années 80, Moose fut une sorte de relais, des passeurs tentant de prolonger la flamme allumée par Arthur Lee vingt-cinq ans plus tôt avec son enchanteur Forever Changes. Et malheureusement, tout comme ses prédécesseurs, Moose reste incroyablement méconnu, comme si une malédiction interdisait formellement de laisser éclater au grand jour cette pop si exigeante, ces trésors de mélodies incandescentes. Et pourtant – on le confirme – tout mélomane averti ayant posé une oreille sur “Little Bird”, “I Wanted to See you If I Wanted You”, “The Only Man In Town” ou “First Balloon To Nice”, s’est vu proposé une carte d’adhérent à vie de ce fan club confiné.

Après trois EPs expérimentaux plutôt influencés par la tendance Shoegazing, rien ne laissait présager de la suite grandiose. En secret, Russel Yates (chanteur et guitariste), Kevin Mc Killop (chant, organ et guitare) tout deux disquaires à Notting Hill Gate, ainsi qu’un proche, Lincoln Fog (basse, vocaux) mijotent XYZ, un premier LP qu’ils veulent définitivement plus aboutis que leurs Eps enregistrés en trois jours. Et c’est ce qu’ils vont faire en se démarquant par des arrangements sensibles à mille lieues des guitares hurlantes dessinées jusqu’ici. Produit par Mitch Easter, réputé pour son travail sur les premiers disques de REM, le vieux briscard va les décomplexer avec les harmonies léchées et autres supports orchestrales de haute volée. Très vite, le groupe ne se refuse rien (section à cordes dans la tradition d’un Jimmy Webb), mais ils ont aussi gardé le goût pour les guitares noisy des premiers EPs. A un détail près : celles-ci sont désormais mixées au même niveau que les violons…

Il suffit de poser une seule écoute sur ce disque pour savoir que Moose possède un univers à part entière et des codes – merveilleux, grandiose, romantisme désincarné – qui pourraient sembler presque désuets de nos jours mais prennent tout leur sens au milieu de ces compositions sensibles : des mandolines romantiques vous guident, on se sent flotter, guidé par des nappes d’arrangements rêveur et bucolique. Et puis l’euphorie prend place avec le dynamique “Little Bird”, dont les arpèges contagieux rappellent le temps où les Smiths faisaient la pluie et le beau temps avec des pop songs parfaites. La voix de Russel Yates, semble d’ailleurs avoir puisé dans le phrasé de Morrissey, mais en moins maniéré et en plus harmonieux. “Polly” pop-song qui pourrait être joué de son plus simple pareil, est agrémenté d’arrangements luxuriants de toute beauté, démontrant que Moose sait magnifier des compositions simples avec un art tout bonnement insolent.

L’un des sommets de l’album, “The Whistling Song”, nous prend à la gorge avec ses sifflements vertigineux, basculant soudainement dans une complainte baroque, appelé par les guitares foisonnantes (et très sous-estimées) de Mc Killop. Du coup on en a le souffle coupé. Les paroles parfois alternent entre sentiment de bonheur intense et noirceur sentimentale. Toujours sur “The Whistling Song”, jouant sur le malentendu, Yates y proclame « She believes In everything I say », puis il intègre sur le couplet suivant la notion de malaise “She believes in everything he said”, le caractère presque innocent de la chanson prend alors une autre tournure surprenante, génialement paranoiaque.

Puis, on s’attaque à un classique absolu, “Everybody’s Talking”, composition de Fred Neil magnifié par Harry Nilsson pour la BO de Macadam Cowboy. Et là encore, le groupe parvient à tirer son épingle du jeu en imposant sa touche rêveuse éternelle.

La seconde partie du disque se veut plus grandiose avec l’usage systématique d’un section de cordes, sur des ballades impeccables où la mélancolie sophistiquée de Moose fait merveille et se rapproche de Love.
Forever Changes, l’influence de ce disque baroque et singulier se laisse expressément ressentir sur “Sometimes Loving Is the Hardest Thing”, “I’ll See You in My Dreams”, ou le romantique “High Flying Bird”. On se permet aussi quelques compositions plus singulières comme le cotonneux « Screaming » ou le délirant “Soon Is Never Soon Enough” où Delores O’Riordan (Cranberries) vient poser sa voix puissante et pas encore trop mégalo.

Revenu sur terre, presque en bout de course avec “Friends”, au caractère poignant soutenu par une rythmique martiale, Russel Yates semble avoir signé la reddition, une des sommets désincarné du groupe. “XYZ” et l’extrait live de “This River Is Nearly Dry” nous emporte une dernière fois dans une promenade dans les nuages, là où l’air y semble plus sein, laissant sur la terre les soucis et autres tracas quotidiens.

A sa sortie, l’album est accueilli unanimement par la critique, mais les ventes ne suivent pas. Le temps est à la vague noisy, et Moose avec ses « perfect pop songs » fait un peu tache sur le tableau. Le groupe sera aussitôt remercié par Hut (sous-filiale de Virgin) puis partira fonder sa propre structure Cool Badge, pour aboutir à trois autres chef-d’oeuvres vivement recommandés, avant de tirer leur révérence. Au dernières nouvelles, Mc Killop et Yates se seraient rabibochés (Lincoln Fong ne fait plus que figure de prestataire depuis High Ball Me !) et enregistreraient tranquillement de nouvelles compositions dans leur propre studios, sans aucune contrainte de temps.

XYZ laisse un arrière-goût de flottement, le sentiment d’avoir cotoyé quelque chose de divin. Cette « moosique » semble presque inexplicable, trop belle, trop pure, trop riche. Et comme pour tout ce qui reste inexplicable, ce tour de pass-pass fascine toujours, sans jamais délivrer son secret.


Tracklisting :

1 Slip & Slide
2 Little Bird (Are You Happy in Your Cage)?
3 Don’t Bring Me Down
4 Polly
5 Whistling Song
6 Everybody’s Talking
7 Sometimes Loving Is the Hardest Thing
8 Soon Is Never Soon Enough
9 I’ll See You in My Dreams
10 High Flying Bird
11 Screaming
12 Friends
13 XYZ
14 This River Is Nearly Dry [Live][*bonus]