The Knife est une des nouvelles sensations détonantes de cet automne. Oeuvrant dans une pop électro très hybride et fouillée, ce duo Suédois se fait surtout remarquer par la relation qu’il a voulu instaurer avec l’extérieur. Ayant décidé de ne pas se montrer, mais aussi, au plus grand regret de V2, de ne pas faire de tournée, nous nous trouvions devant l’obligation de faire cette interview par mail. C’est donc un entretien à sens unique qui nous en apprend un peu plus sur un phénomène qui fera à coup sûr couler pas mal d’encre…
Pinkushion : Vous êtes frère et sœur… Il y a donc un lien très fort et privilégié entre vous. Est-ce que l’on peut dire que cela vous a servi dans votre projet The Knife?
Karin : Nous nous connaissons très bien, en effet, et ça aide. Nous savons que nous avons les mêmes idées sur le genre de musique que nous voulons faire. Nous n’avons pas à se battre à propos de son expression, ce qui est bon.
D’où vient le nom du groupe, The Knife?
Cela décrit comment nous voulons que soit notre musique : tranchante.
Vous avez décidé de ne pas apparaître dans les médias. Pourquoi? Avez-vous en la matière un modèle ou une référence sur cette absence de promo traditionnelle dans le music business?
Nous ne faisons pas de tournée car nous avons démarré comme un projet de studio et préférons faire de la musique que la jouer en public. Ce sont deux choses complètement différentes. Tourner juste pour faire de la promo est dépourvu de sens. Il faut avoir une raison de monter sur scène, il faut que ce soit quelque chose de plus que la « voie traditionnelle ». Mais nous apparaissons par contre dans les médias, nous voulons que les gens sachent que nous – et notre musique – existons. Nous voulons qu’on achète nos disques.
Est-il exact que vous avez envoyés deux personnes à votre place pour recevoir un prix en Suède?
Nous avons gagné le grammy en Suède l’année dernière du « meilleur groupe pop ». Mais vu que c’est l’industrie, ou plus exactement l’association des maisons de disque, qui s’auto-distribue des prix, nous avons trouvé que cela n’avait pas de sens et avons préféré utiliser cette opportunité pour marquer notre désaccord et dire quelque chose d’important. Alors nous avons envoyé deux gorilles qui ont revendiqué une parité totale (50/50) dans l’industrie du disque. Dans notre cas par exemple, seule la manager de la maison de disque est une femme, tous les A & R (artistes & répertoire, qui signent les groupes) sont des hommes ce qui est vraiment triste. Et ennuyeux.
Est-ce que l’on peut dire que votre modus operandi prend les avantages des médias tout en laissant de côté des inconvénients?
Karin : Je ne suis pas sûre de comprendre ce que tu veux dire par là. Envoyer deux gorilles, je pense, était une façon aussi de prendre les inconvénients. Une autre façon plus standard de faire aurait été d’y être, là, de sourire et de dire merci, et de donner à ce grammy award une crédibilité.
Pensez-vous que votre attitude pourrait changer avec le succès ou/et le temps?
Karin : notre attitude c’est notre musique. Quand les choses auront changé tel que nous voulons qu’elles changent, alors nous n’aurons plus à faire de musique. Nous pourrons alors dire aussi que nous aurons atteint le succès.
Olof: Si nous changeons, ce sera pour être encore plus radicaux. The monde va de mal en pis, je ne vois donc pas d’autre évolution possible.
L’idée de tourner masqués, ou derrière un écran, ne vous séduit-elle pas pour rencontrer le public, votre public? n’avez-vous pas envie de rencontrer votre public?
Karin : Les artistes qui font des tournées, est-ce qu’ils rencontrent vraiment leur public? Je pense que le moyen le plus commun de le rencontrer c’est sur scène, loin de l’audience… C’est une communication qui ne va que dans un sens. De plus, nous rencontrons plein de gens qui écoutent notre musique et nous envoient des mails aussi.
Olof : L’acte scénique ne sert qu’à renforcer une soi-disant confiance en soi (si la performance est bonne).
Vos vidéo-clips sont donc votre seule vitrine. Vous prenez un soin particulier à les faire. Où trouvez-vous les idées pour faire de tels clips inventifs?
Les vidéos, les pochettes de nos disques, notre site et les photos de presse représentent notre côté visuel. Nous aimons travailler avec des artistes que nous admirons et leur donnons carte blanche pour ce qui est d’interpréter notre musique en images. ça peut être très excitant en fait. Quelque chose de nouveau – que l’on ne soupçonnait pas – se déroule grâce à ça, ce qui donne une dimension nouvelle à notre musique.
Quelles sont vos principales influences pour l’audio et le visuel?
Pour les vidéos c’est l’art-vidéo et les films. Pour la musique c’est tout et n’importe quoi. Le fait de lire le journal le matin est en réalité la seule chose dont on ait besoin pour créer de la musique. On est interpellé et c’est parti.
Haïssez-vous vraiment le rock? pourquoi?
Nous n’aimons pas la musique conservatrice, ce qui est souvent le cas pour le rock. Il y a quelque chose à propos des guitares qui amène de vieux goûts conservateurs, sans plans pour le futur, sans la volonté de changer quoi que ce soit.
C’est difficile et stupide de faire de la musique du futur sur des instruments vieux de 50 ans.
Quels sont les derniers disques contemporains que vous avez achetés?
Karin : Hier, j’ai acheté Le Tigre – This island, Andreas Tilliander – World Industries, le dernier album de Sophie Rimheden et un Ep de Perro del Mar. J’achète rarement des disques mais quand j’en achète c’est toute une pile.
Olof: The Horrorist – Manic Panic, Johannes Heil – The World, Dizzee Rascal – Showtime et Audion – Kisses (single).
Que pensez-vous de la musique actuelle?
Nous vivons des temps excitants. J’aime vraiment la punk attitude dans l’électro de ces dernières années comme Green Velvet, The Horrorist ou Adam X.
Enfin, dernière question, quels sont vos 5 disques de chevet?
Karin : Aujourd’hui, je dirais :
Prince – Parade
Peaches – Teaches of Peaches
Fugazi – Repeater
Kate Bush – Hounds of Love
Cyndi Lauper – Girl’s just wanna have fun
Demain la liste serait probablement complètement différente.
Olof : Ween – the mollusk
Peaches – Teaches of Peaches
Jay Z – the dynasty
Green Velvet – Whatever
Daft Punk – Homework
-Lire notre chronique de The Knife, Deep cuts