Saine et sauve, Stina Nordenstam continue de nous enchanter avec une poignée de chansons personnelles, où sa voix si douce nous transporte loin dans ses sommets enneigés.


Quel étrange papillon de nuit que cette Stina Nordenstam. Coincée dans sa tour de verre, la belle Suédoise sort de sa retraite périodiquement pour délivrer des merveilles d’émotion repliées. Toujours aussi belle et magnifiquement ignorée, Stina Nordenstam est l’une des rares femmes à avoir développé dans le rock un univers à la fois singulier et onirique, où sa voix susurrée semble plonger dans un autisme bouleversant. D’une cohérence impressionnante, la discographie de cette timide suédoise mérite que l’on se penche dessus.

Depuis 13 ans, cette insaisissable musicienne sort des disques à sa propre cadence (environ tous les quatre ans, si l’on omet l’album de reprise People are Strange), ne donne jamais de concert, et demeure à l’abri du besoin – elle serait mariée à un richissime homme d’affaire. Tout cela contribue à intensifier le mystère autour de cette étoile polaire inaccessible.

This is, son disque précédent, semblait vouloir faire des concessions pop auprès d’un public plus large. Entouré de deux producteurs vétérans, Tchad Blake et Mitchell Froom, Stina Nordenstam avait également convoqué un illustre admirateur, le faux suédois Brett Anderson, le temps d’un duo mémorable. Malheureusement, alors que toutes les cartes semblaient en main, le public la boude une fois de plus et Sony résilie son contrat.

Du fait de cet échec patent, on pensait que la belle n’allait pas donner de nouvelles avant un bon moment. Et voilà qu’elle casse la dynamique instaurée et sort moins de deux plus tard un inattendu sixième album sur son propre label A Walk In The Park. Enregistré à Stockholm avec quelques réputés musiciens du cru, Goran Kajfés et Johan Berling (du label Häpna), Stina a préféré cette fois produire toute seule ce sixième album.
C’est un peu cliché de dire ça, mais The Word Is Saved se veut plus personnel que This Is. On sent que la mystérieuse brune semble s’être fait une raison à l’égard du statut de songwriter culte et du coup s’assume totalement désormais. Plus apaisée, elle déclare elle-même que « The World is Saved » est un disque teinté d’optimisme.

Pourtant, de par son agencement labyrinthique, The World is Saved montre une Stina Nordenstam qui semble être retombée dans son mutisme légendaire, préférant se cloîtrer à l’écart de la foule bruyante. Elle chante des comptines sans réels refrains et à la tonalité ambiguë, où sa voix et ses atmosphères enfantines se démarquent de paroles souillées.

Toujours touchée par une ultra-sensibilité, cette grande dame à la voix de gamine laisse planer un voile de mystère autour de ses chansons de porcelaine, et de son innocence trompeuse (“Butterfly” où elle raconte l’histoire d’un homme qui se transforme progressivement en papillon éphémère, fait écho à ses relations sentimentales).

Cette voix de petite fille perdue au milieu de la foule n’a pas bougé depuis son single “Another Story Girl”. Souvent classiques et discrets, ses arrangements avec des instruments à vent (clarinette, flûte, trompette) apportent un air glacial, limite enneigé à ces chansons douces en forme de flocon de neige. “Winter Killing”, avec sa mélodie et cette guitare qui semble sortir d’un transistor de poche démontre quand même que Stina Nordenstam sait toujours composer des pop songs introspectives à la beauté baroque. Autre merveille, “The Morning Belongs To The Night” ensorcelle telle une délicieuse berceuse où semble flotter derrière nous un drap blanc. Sur “I’m Staring Out The World”, elle chante au-dessus d’arrangements empruntés à une bande originale de film muet, brisant sa voix de porcelaine entre arrangements à corde d’avant-guerre et mise-en scène digne d’un instant dramatique du grand écran.

The World is saved fait partie de ses oeuvres furtives que l’on tente d’attraper en vole, sans jamais pouvoir les tenir entre nos mains. Voici le genre de disque que l’on préfèrera écouter en baissant le volume, de peur de briser la communion qui s’est instauré entre nous et l’artiste.

-Le site officiel de Stina Nordenstam

-Le site de Stina chez V2