Une bande de vauriens qui passent leurs week-end dans les tribunes du stade de foot de Leicester décident de faire du rock « baggy ». Une seconde mi-temps bien plus finaude qu’elle n’y paraît…


C’est toujours marrant de lire le NME. Orphelin de rock stars digne de ce nom depuis le casse du siècle perpétré par Oasis il y a de cela une décennie, la revue musicale Number one britannique se plait depuis à ériger une statue en or à quelconque nouveau postulant au trône de la brit-pop. Les anglais – grands consommateurs de tabloïds – se délectent avec amusement de cette presse légère et patriotique et de ces articles montés comme des épisodes de série tv hebdo.

La toute nouvelle sensation du NME s’appelle Kasabian et possède le profil parfait : issus de la classe prolétaire, des gueules et noms qui « sonnent », une guerre interposée avec The Darkness et… une musique plutôt bien ficelée.

Ces quatre lascars de Kasabian donc doivent être plutôt marrants, à les entendre parler, ils se sont autoproclamés les nouveaux « Oasis » et shootent à peu près tout ce qui bouge. Mais derrière ces grandes gueules, il faut avouer que ce combo se révèle très convaincant lorsqu’il s’agit de torcher des singles remarquables.

Kasabian a ingurgité près de 15 ans de rock anglais, avec tout de même une forte préposition pour le son made in’ Madchester. Oui, rappelez-vous, 1988, c’était la réponse rock à l’invasion Acid-House, avec son Shaun Ryder titubant, les fiestas mémorables à l’Hacienda, la moue attitude des Stones Roses, les tee-shirts trois fois trop grands et le look « baggy »… Toute cette période que nous, français, n’avons pas connue et peut-être la seule chose que nous envions tant au pays de Thatcher à ce moment-là.

Kasabian produit donc un rock mâtiné de groove lancinant dans la droite lignée des Stones Roses et de Primal Scream. Pour aboutir à ce résultat, ils ont une arme redoutable : leur chanteur Tom Meighan, un digne ersatz dans la tradition arrogante d’un Ian Brown et d’un Liam Ghallagher. Tout comme les Stones Roses et Oasis, le processus d’écriture est le même ici : tandis que la paire de guitaristes Sergio Pizzorno et Christopher Karloff composent et écrivent les paroles, Meighan apporte quant à lui son attitude et cette voix nasillarde « middle-class » qui connaît bien toutes les ficèles pour élever les compositions de son groupe en une sorte de trans baggy.

Hormis peut-être quelques détails de clonage parfois un peu maladroits, ce qui est intéressant dans la musique de Kasabian, c’est que contrairement à un groupe comme The Music embourbé dans les riffs mammouths rétro à la Led Zep, ce jeune combo a du style, et sait apporter à son rock sautillant quelques touches plus contemporaines : une prog/pop à la Elbow (“I.D”), un beat psychédélique à la Beta Band (“Test Transmission”) ou un rock cauchemardesque à la BRMC (l’efficace “Running Battle”).

Ce premier opus tient la route dans l’ensemble, mais comme évoqué plus haut, ce sont surtout les singles qui retiennent l’attention. En guise de coup d’envoi, « “Club Foot” », joue avec les mimiques de gros bras et a le mérite de mettre les choses au clair : une embardée virile mixée sur un tempo haletant. Impeccable.
Plus surprenant, le groovy « Processed Beat », avec sa ligne de basse émoustillante qui repique sans vergogne les plans de l’illustre Mani des « pierres de rosette ». Le groupe sait aussi faire dans le rock hypnotique, “Reasons Is Treason”, une sorte de virée crépusculaire et implacable qui n’a rien à envier à BRMC.

On espère également que cette nouvelle génération baggy se révèlera plus consistante que ses prédécesseurs sur scène, qui avaient la fâcheuse tendance à bâcler leur sets avec un certain dédain. D’ici là, Kasabian pourrait bien casser la « baraque ».

-Le site officiel de Kasabian

-Un site de fan