Avec ses faux-airs à la Strokes et son maniérisme anglais, Elefant sent la branchitude à plein nez, mais reste tout de même plus digeste que les plats réchauffés qu’on nous sert d’habitude.


Nuuuuu York, Nuuuu Yoooork”, comme nous le chantait si bien ce bon vieux Franky. La cité des lumières nous fera toujours autant fantasmer, et ce n’est pas avec sa floraison de groupes rock que nous allons trouver à en redire. Dernière sensation à avoir échoué sur le rivage du Havre, The Elefant, quintet rock racé, a tout pour devenir la sensation de la semaine, après The Rapture ou Ratatat. En tout cas, leur créneau sent la hype à plein nez.

Petit détail tout de même, Elefant n’est pas si frais que ça, son album est déjà sorti il y a plus d’un an et demi. Après un premier EP, The Gallery Girl, le groupe sort en avril 2003 son premier album sur une structure indépendante (Kemado). Parti de rien, Sunlight Makes Me Paranoid connaît un certain succès (30 000 copies écoulées) , pour être finalement repêché en octobre dernier par une semi-major (Hollywood Records). Sunlight Makes Me Paranoid débarque maintenant en France avec une sérieuse réputation scénique, porté par son charismatique leader Diego Garcia. Pour mettre en valeur sa ferveur, cette gueule d’ange est entouré d’un mystérieux guitariste répondant au patronyme de Mod, (qui devait sûrement pas avoir un nom à la hauteur) et d’une solide paire rythmique, Kevin Mc Adams (fûts) et Jeff Berrall (quatre cordes).

Diego Garcia est un cas : originaire d’argentine mais élevé à New-York dans l’east side, cette belle-gueule chante avec un accent anglais à donner des sueurs à Brett Anderson. D’ailleurs, à l’écoute de ce premier album artisanal, ce quintet a dû rêver maintes fois de l’Angleterre des années 80 : haaaa les usines de Manchester, les mines de charbon du nord, bref tout ce désespoir prolétaire de l’ère Thatcher qui a forgé la rage post-punk. Remarque, on ne leur en veut pas, le rock anglais était alors indétrônable et de l’autre côté de l’Atlantique on traînait la savate, à quelques exceptions près.

Il y a chez Elefant un mélange de maniérisme à la Smiths et de fièvre post-punk digne des premiers Psychedelic Furs. Elefant fait une musique aux premiers abords épurés, avec des guitares au son clair mais tranchantes qui battent le fer avec une rythmique disco-punk soutenue. Certaines attitudes évoqueraient également des Strokes européens, mais ce doit être la localisation géographique qui doit immanquablement nous mettre en porte-à-faux.

Dans ses habits de Dandy désabusé, Garcia assume plutôt bien son rôle, notamment sur le séduisant “Now that I miss her”. “Misfit”, avec son riff convenu à la Strokes, et l’entraînant “Bokkie” font dans les bêtises comestibles à usage instantané. Rien à redire, de plus le groupe sait plutôt balancer quelques refrains qui font mouche. Seul bémol, le disque est peut-être un peu trop statique par moment et on pourrait se lasser facilement à la longue, mais il paraît que sur scène ils se rattrapent amplement. Heureusement, l’album se fait plus noir vers la fin, notamment, avec le titre éponyme “Sunlight makes me paranoid” où Garcia se lâche un peu, le fantomatique “Annie” et le désespoir foudroyant de “Love” – pièce maîtresse du disque – permettent au groupe de reprendre son souffle et de nous éviter le stade de la monotonie.

Pas le disque du mois, les jeunots d’Elefant livrent tout de même un premier album qui tient la route, à défaut de tenir trop longtemps sur la platine. Mais c’est aussi le destin de bien des disques rock que l’on adore sur le moment et puis que l’on jette à la poubelle la minute d’après. On attendra la prochaine livraison pour se faire vraiment une idée.

Le site officiel d’Elefant