Un disque solo en gallois pour le leader des Super Furry Animals est un événement à ne pas négliger. C’est souvent les projets comme ça, un peu par-dessus la jambe, qui rapprochent le public d’un artiste…
Comme tout bon leader de groupe qui se respecte, Gruff Rhys, des Super Furry Animals, ne déroge pas à la règle. Yr Atal Genhedlaeth (« The Stuttering Generation ») regroupe les titres que le bonhomme a écrit depuis deux ans, pas forcément destinés à remplir un album solo. Ce qui frappe ici, c’est qu’il en a profité semble-t-il pour sortir un album entièrement chanté dans son patois local, le gallois. On ne comprend donc absolument rien à ce qui est chanté, mais cela n’est pas pour autant dérangeant. Que du contraire même, on se surprend à tenter de chanter à l’unisson des paroles auxquelles on ne comprend strictement rien. Le gallois ressemble en tout cas bizarrement au grec…
Le disque est très court : 29 minutes au compteur. On peut y déceler deux tendances : l’une très joyeuse, entraînante, et l’autre plus posée, plus introspective, ce qui n’est guère étonnant dans un concept en solitaire. Alors que les Super Furry Animals ne m’ont jamais vraiment séduit, je dois avouer qu’après un sceptissisme de rigueur la galette actuelle a fini par devenir très attachante. Rien ne cloche sur ce disque, tout s’imbrique à la perfection, et l’on savoure l’écoute d’autant plus qu’elle est courte. Enfin, Gruff Rhys y joue absolument de tous les instruments, mis à part une trompette ici et un banjo là. A noter enfin que ceci est tout sauf un side project qui boufferait SFA : Gruff l’a dit et redit, il ne pense pas donner suite à cette escapade en solo. Si c’est vrai, c’est bien dommage…
Dès « Gwn Mi Wn », on a droit à une grosse caisse assez entraînante, qui, mariée à la voix de Gruff rappelle The Beta Band. « Epynt » ou « Y Gwybodusion » avec un riff fédérateur et des choeurs enivrés font penser aux Talking Heads première période, tant le groove punkisant y est présent. Il faut cependant préciser que le chant en gallois et le choix de certains instruments comme la flûte (« Ni Yw Y Byd ») donnent à l’ensemble un côté folk ou world music qui est plutôt désarçonnant, et la Région Pays de Galles ne s’y est pas trompée en y voyant une oeuvre contemporaine d’envergure à mettre au profit de la culture régionale (voire régionaliste). « Epynt » par exemple est à la fois le nom d’une montagne du coin et une construction lexique de l’euro et du pound (la livre sterling), où Gruff se demande laquelle des deux il faut choisir, pour enfin conseiller de laisser tomber le fric…
Les jeux de mots sont légion ici, ce qui nous fait une belle jambe vu que l’on comprend que dalle. Mais ceci montre aussi la personnalité enjouée de son géniteur, toujours prêt à se moquer de notre société capitaliste dite moderne (le bonhomme est par exemple persuadé que nous vivons les derniers soubresauts de notre civilisation avant une énorme catastrophe qui remettra les pendules à l’heure – entendez nos choix/erreurs actuels en évidence – voir l’interview donnée en 2003). « Pwdin Wy 1 » (Egg pudding) exploite des terrains plus expérimentaux (plus électro en fait, tout comme « Caerffosiaeth ») tout en frôlant le modus operandi des Beatles avec des mélodies power pop tout à fait irrésistibles, à l’instar de la trompette sur « Ambell Waith ». « Pwidin Wy 2 » et son harmonica est une des rares – très belles – ballades qui égrainent le disque.
Ce disque ovni est la première bonne surprise de cette année 2005, qui commence donc sous le signe de l’ouverture culturelle.