Alors qu’on n’attend plus grand chose des frérots chimiques, leur nouvelle livraison surprend, non pas en termes d’originalité, mais en constance qualitative. C’est l’essentiel, non ?


Que faire lorsqu’on est condamné à la redite jusqu’à trépas ? C’est tout le problème que doit se poser la plus célèbre paire chimique du big beat à chaque élaboration d’un nouvel album. Avec Fatboy Slim et Prodigy, la Chemical Bros corp Inc a rêgné durant la seconde moitié des nineties comme l’une des plus fabuleuses machines à vous soulever le popotin sur les dance-floors. Certains y ont même vu le futur du rock à l’époque du faramineux “Block Rockin’ Beats”. Bien des désillusions plus tard, ceux qui attendent en 2005 du nouveau Chemical Brothers la réponse divine sont : soit revenus d’exil après six ans coincé en Corée du Nord, ou tout juste libérés du camp de Guantanamo.

Finalement, un disque des Chemical Brothers, on l’attend à peu de choses près avec les même a priori qu’un disque d’AC/DC. On s’attend à ce que la terre tremble un maximum via les blasters, concentrés autour d’un beat dégénéré et autant de mimiques cool qui seront prêtes à nous faire sautiller comme des Zébulon. Et puis de l’autre côté du miroir, on se dit aussi que Tom Rowlands et Ed Simons se sont enfermés malgré eux dans une cage dorée : contraints de reproduire ad vitam aeternam le beat ultime – monstrueux, on se l’accorde – feignant la routine en convoquant quelques guest-stars triées sur le volet. Remarque, Angus Young ne s’est jamais plaint de grimper soir après soir sur scène avec son p’tit costume d’écolier et montrer ses fesses fripées à une audience qui en redemande toujours… Il y a quelque part dans cette démarche artistique une certaine honnêteté et une fidélité moins putassière que d’autres artistes politiquement corrects.

Après une compilation de singles fêtant leur première décade – forcément traumatisante pour un groupe electro/dance voué par principe à l’éphémère – cette rétrospective a visiblement eu le mérite de recentrer leurs aspirations artistiques. Come With Us, leur précédent opus en forme de crise identitaire, orienté plus mélodique et psychédélique, indiquait quelques baisses de régime, handicap patent dans ce créneau du beat incendiaire. Depuis, certains se chargent même de remixer leur nouvel album à leur place, via des relectures pirates circulant sur le net avec pochette plagiaire à l’appui.

Leur popularité n’en demeura pas pour le moins affectée et le Zénith affiche toujours plein à craquer. Après tout, après dix ans de bons et loyaux services, nos lascars pourraient facilement appuyer sur le bouton pilote automatique (“Push the Button”) et continuer à fructifier leur formule du big beat. Chose qu’ils font sur ce nouvel album, mais c’est plus compliqué et subtile que cela.

Titré ironiquement, Push The Button, ce cinquième opus est plus serein et revient à un formule plus conventionnel : le degré ambition se limite à confectionner une collection de morceaux efficaces. Vraisemblablement plus là uniquement pour en mettre plein la vue, Tom Rowlands et Ed Simons semblent enfin avoir trouvé un terrain d’entente créatif.

Il y a bien sûr le morceau prévu pour remplir le quotas « tube interplanétaire », “Galvanize” placé bien en vue, en tête du cortège, et puis quelques autres bombes à fragmentation disséminées méthodiquement à des endroits cruciaux du disque. Dans l’ordre d’apparition : “The Boxer”, le presque oublié Tim Burgess (The Charlatans) vient y poser sa lad-attitude sur un tempo house hypnotique. Il y a aussi un p’tit nouveau dans le club, Kele Okereke, (Bloc Party), qui s’en tire pas mal sur « Believe », morceau dans la veine “d’Out of control”. Enfin, une petite dérivation rock, “The Big Jump”, qui ne révolutionnera pas le genre, mais a le mérite d’être efficace.

Laissé en plan ces figures de style imposées, Push the Button recèle également quelques développements plus intéressants : “Hold Tight London”, petite digression tribale et l’une des vraies perles du disque, certainement déjà convoitée par American Express pour leur prochaine pub qui se déroulera au Congo ou un truc dans le genre. Sur “Left Right” le rapper Anwar Superstar, (le frère de Mos Def) offre au duo de Manchester une petite récréation hip hop conduite sur un sample fracassant de Pat Patrick (disciple de Sun Ra). Autre surprise, le délicat “Close your Eyes”, (avec le quatuor londonien The Magic Numbers) apporte un peu de répit au milieu de cette course éffrénée. Le disque se pose lentement avec “Surface to Air”, jolie fin d’étape onirique où l’on sent que les Chemical Brothers n’on pas volé leur patronyme de sorciers du son.

Assumant enfin leur statut de « beatmaster», Push The Butoon se révèle l’un de leur disques les plus cohérents de la paire, dévoilant même une certaine humanité qu’on ne soupçonnait guère dans ce genre de d’entreprise à propulsion BPM.

Le site officiel des Chemical Brothers