Retour digne et humble de cette légende du rock anglais, l’une des rares à avoir su faire parler la poudre avec autant de classe prolétaire.


C’est le signe du temps qui passe et des désillusions : Les vieilles gloires passées du rock semblent traverser la crise de la quarantaine. Suite à des ruptures sentimentales, Frank Black et David Gedge ont décidé de retrouver un peu de leur jeunesse perdue en reformant leurs monstres de progéniture. Guy Chadwick lui aussi s’est même réconcilié avec son frère ennemi Terry Bickers pour retourner dans son foyer de l’amour. Il ne manque plus qu’à l’appel les Stone Roses et les Smiths pour que la photo de famille soit au complet…

C’est donc au tour des Wedding Present de sortir du caisson d’hibernation. En 1996, dix après ses débuts discographiques, David Gedge, grand frère de Leeds, avait sabordé sa jolie cérémonie nuptiale, sentant que la flamme commençait à briller par intermittence. Parti former Cinerama avec sa compagne S. Murrel, Gedge y avait concédé un peu de féminité à son répertoire jusqu’à la dénué de manières, plutôt bagarreur même. Une poignée d’albums plus tard, on referme la parenthèse, retour à la ligne : le Wedding Present, phénomène inexplicable qui est tout de même parvenu à afficher 17 singles dans le top 40 britannique (la fameuse saga Hit Parade 1 et 2 y est pour quelque chose) est donc de retour avec Take Fountain, huit ans après.

Modèle d’intégrité, Gedge a très bien su orchestrer son retour. Pour se remettre à flot, le John Best de la six-corde a décroché le téléphone et convoqué deux vieilles connaissances par vraiment perdu de vue, le guitariste Simon Cleave (Cinerama) et Steve Fisk producteur Watusi, dernier grand album du groupe et disque de transition à l’époque qui abordait un virage plus polit. Excellent choix donc pour ce retour, car Take Fountain est un album digne et humble, tel qu’on en rêvait.

Certes, la tête de proue du courant C86 il y a presque de cela vingt ans s’est un peu assagit (qui s’en souvient ?), Mr Gedge a mis un peu de caféine dans son vin : la rage externe s’est muée en colère interne. La folie de sa voie s’est atténuée également, il chante mieux… Ceux qui ne l’ont pas entendu depuis Seamonstrer auront d’ailleurs dans un premier temps du mal à reconnaître son grain.

Disque concis, certainement le plus cohérent depuis Seamonsters, Take fountain ne cherche pas à impressionner la galerie et jouer des coudes avec la nouvelle garde. Cette sensation est très appréciable, car ce nouvel opus demeure tout de même un disque douloureux et vraisemblablement introspectif dans ses paroles.

Hormis sur scène, les course-poursuites, explosions noisy et autres attaques fulgurantes systématiques n’ont plus lieu d’être. Les arrangements sont désormais privilégiés, les compositions sont plus calmes que d’accoutumé (“Mars Sparkles Down On Me”). Il faut d’ailleurs saluer le savoir-faire de ce fin mélodiste, détenteur d’un savoir-faire singulier où les progressions pop ne demeurent jamais putassières (“Always The Quiet One”, “I’m From Further North Than Yo”u). Au fil du fil du disque, on ne peut s’empêcher que cet homme estimable est resté fidèle à ses convictions et n’a pas vendu se chemise.

Au départ conçu comme un disque de Cinerama, il en reste bien sûr quelques séquelles avec par-ci par-là une ambiance western à la Ennio Morricone sur “Interstate 5”, ou bien “Queen Anne”, avec ses trompettes hispanisantes en forme de soupires nostalgique. Bien sûr, cette rythmique électrique déglinguée est toujours là, mais moins incontrôlables ou plutôt mieux contrôlés, dirons-nous. Le tambour battant “It’s For You”, et le final fringuant de “Don’t Touch That Dial”, tendent à nous rassurer là-dessus. En guise d’au revoir, une pluie de violon s’abat servit sur plan séquence (“Perfect Blue”), on s’éloigne lentement du cadre de ce petit mélodrame qui nous a heurté sensiblement. Rideau.

PS : Avant de partir mixer aux cieux, John Peel a eu le temps d’écouter le retour de son groupe préféré avec The Fall. Il a pu donc partir heureux, la conscience tranquille. Nous aussi.

-Le site des Wedding Present