Ces ambulanciers de Brooklyn connaissent l’antidote pour tailler des mélodies supérieures plongées dans un océan de dream pop. Attention à ne pas dépasser la prescription au risque d’en devenir dangereusement accro.


A juger la quantité d’excellents groupes qui pullulent sur New York depuis quatre ans, on se dit qu’il doit y avoir une sorte de filtre qui flotte au-dessus de la ville, poussant la communauté artistique à se surpasser, portée par élan collectif du style : « Epates-moi, mets-moi-en plein la gueule ». Ambulance LTD rentre dans cette case. Pourtant, nos amis n’évoluent pas dans le même créneau que la plupart des groupes auquels nous avons habituellement affaire. Pourtant ils font bien du rock, ou plutôt de la pop à guitare. Mais une pop envoûtante et sensible qui nous transporte littéralement.

Précédé par un joli succès d’estime, ce premier album sorti il y a de cela un an aux Etats-Unis fut catalogué « Shoegazer » par quelques oreilles tordues. Pfffffff … Comme d’habitude, on utilise des superlatifs pour vous en mettre plein la vue alors que le contenu est tout autre. Intrigué par ses propos, la petite fouine Souvlasky est allée poser une écoute sur cette galette. Elle y a cherché en vain ces effets de guitares tordus à l’infini, mais ce qu’elle a déniché l’a tout autant emballé.

photoambulance.jpgMarcuse Congleton, c’est celui qui conduit le van et allume le girofar. Cette belle gueule originaire d’Oregon (visez la pochette du livret avec le groupe posant fièrement, on croirait la reformation des G-Squad) chante et signe toutes les compositions. Ce Songwriter à l’écriture faussement en dilettante semble être du genre à baisser le son de la télé de peur d’interrompre le ronronnement de son chat. En grand adepte du zen, la voix n’est jamais un ton au-dessus du reste, ses compositions ne vous brandissent pas un couteau sous la gorge, mais plutôt une plume pour vous chatouiller.

Derrière leur bardas d’effets psychédéliques, Ambulance LTD s’adresse aux amateurs de pop travaillée, à ceux qui chérissent le travail d’orfèvre des Shins, Sneetches ou d’Elliott Smith. Sonner Shoegazer semble être le cadet des soucis d’Ambulance LTD, plutôt accros aux harmonies léchées en y incorporant les rythmes lancinants chers à la Dream Pop. Les mélodies pointilleuses semblent se déplacer sur un petit nuage blanc : “Heavy Lifting” aurait pu sans peine figurer sur Oh Inverted World des Shins. L’ambiance est cotonneuse, jamais bruyante, on se laisse porter par le vent (il y a des leçons à prendre sur l’exemplaire Michigan). Il y a d’ailleurs deux ou trois « hommages » à Elliott Smith sur ce disque dont un, “Anecdote”, qui friserait presque le plagiat.

Questions effets, Ambulance LTD sait aussi tisser des atmosphères lancinantes savamment bien troussées. Dominées par des arpèges cristallins et quelques effets d’apesanteur, certaines compos tendent à s’étirer. Par moments, on lorgnerait vers un cousin approximatif du Velvet Underground (Ils reprennent d’ailleurs en face B “The Ocean”), qui reprendrait “Shine on you Crazy Diamond” du Floyd (largement improbable on le concède, mais à cogiter tout de même). Sur “Primitive”, ces jolies envolés nous évoquent celles des Dandy Warhols du temps du psychédélique Come Down. Mais le groupe prend réellement son envol le temps d’un impérial « Swim », unique véritable emprunt sonique à la My Bloody Valentine, qui l’espace d’un instant nous ferait presque croire que des ailes nous ont poussé sur le dos.

Enfanté dans la douleur comme les grands crus – pas moins de trois producteurs ont été épuisés avant que le groupe mette la main à la patte – ce disque irréprochable est à recommander aux pop addicts exigeants. Et dieu sait que nous sommes nombreux.

-Le site d’Ambulance LTD