Troisième album du plus ambitieux songwriter de Detroit où l’ombre des Wings plane toujours. Malgré quelques petits dérapages, les amateurs de popsongs léchées et rigoureuses auront leur ration.
Pour notre plus grand bonheur, Brendan Benson reprenait voilà deux ans “Let Me Roll It” des Wings sur un sympathique EP. Un juste hommage là où il a toujours été de bon ton de dénigrer le ringard Mc Cartney face au révolté Lennon. Souvent, on ne retient de la discographie de Macca que quelques ballades mièvres et puis des duo variétoches avec Stevie Wonder et Bambi – excécrables il est vrai. Pourtant, l’ami Paulo possède en dehors de sa carrière avec « les garçons dans le vent » quelques véritables chef-d’oeuvres en solo dont le tour de force Ram, qui garde une place bien au chaud sur notre étagère entre XO d’Elliot Smith et Abbey Road. Vous l’avez deviné, vous parlez à un prêcheur converti de longue date. Pour ceux qui continuent à me le demander ad vitam eternam, ma dévotion pour le bassiste va jusqu’à mon pseudo qui lui est emprunté (coincé par des obligations contractuelles au sein des Beatles, Mc Cartney signait quelques chansons pour d’autres artistes avec ce pseudo. Voilà pour « la p’tite faiblesse qui vous perdra ».
On ne va pas tourner autour du pot, on a donc un p’tit faible pour Brendan Benson. D’abord, parce qu’on aime bien le personnage dans son costume de looser magnifique revenu de l’enfer. Jugez son parcours : un premier album jamais publié, un second devenu culte et donc passé complètement inaperçu (One Mississipi, en 1996), puis silence radio pendant près de six ans. Enfin un retour salué unanimement avec Lapalco voilà déjà trois ans. Depuis, le songwriter de Detroit bénéficie d’un petit buzz puisqu’il aurait enregistré un album entier en duo avec le mammouth rock Jack White (qui avait d’ailleurs repris en face B des White Stripes un titre de Lapalco).
Mais si on aime bien l’ami Benson c’est surtout parce qu’il connaît par coeur les bonnes adresses, ces petites recettes ficelées par les barons de la power pop 70’s (Badfinger, Dwight Twilley, Raspberries et bien sûr les Wings). Ces albums regorgent de pop-songs irrésistibles, construites avec des matières sûres et pétries par cet amour que l’on ne retrouve que chez les maîtres artisans sûrs de leur art.
The Alternative To Love, troisième album, marque la fin d’une collaboration étroite entre Benson et le brillant mais trop discret Jason Falkner, présent sur les deux disques précédents (brillant songwriter en solo et homme de main providentiel pour Beck, Aimee Mann, Air, Travis…). En remplacement, le producteur Tchad Blake est venu s’immisser dans le processus de création, n’hésitant pas à tâter du synthétiseur parfois. Avec l’arrivée de ce producteur poids lourd (Suzanne Vega, Pearl Jam, Tom Waits…), Benson a pris de l’assurance et a visiblement revu ses ambitions à la hausse. Toujours dans un esprit 70’s, les arrangements sont définitivement plus chatoyants que sur Lapalco, peut-être même parfois un peu trop, au détriment de compositions qui n’en demandaient pas tant.
Le parfum du disque précédant ne s’est pas estompé, mais le « folksinger » se plait parfois à concurrencer Phil Spector sur le flagrant “The Pledge”, dont l’intro mime à la perfection le “ Be My Baby” des Ronettes. Mais Benson est plus malin que la plupart des vulgaires photocopieuses et parvient à se tirer du guêpier qu’il s’est lui-même posé pour accoucher d’une vraie mélodie. On note aussi une tentative de modernisme embourbé, comme sur “Cold Hands (Warm Heart)”, où les synthés gluants de Tchad Blake tombent comme un cheveu sur la soupe, et produisant l’effet « Sheryl Crow« … Dans cette recherche du single potentiel, on préférera largement se jeter sur des sucreries comme “Get It Together”, “Feel Like Myself” ou l’intimiste “Alternative To Love”, où l’on retrouve la chaleur passée, garantie sans colorant.
Mais là où l’on jubile , c’est lorsque Benson fait son Mc Cartney sur des titres comme “Them and Me”, le très sixties “What I’m Looking For”, ou notamment “Flesh and Bones” (de la pure essence Wings, où notre plagieur bien aimé imite même le phrasé vocal de Paulo). Un pur régal. Les retours aux sources rock n’roll sont également convaincants avec quelques riffs bien troussés comme sur “Spit It Out” et “Between Us” aux faux airs de New York Dolls.
Dernier détail, même si les textes passent un peu au second plan dans ce genre de format, Benson reste un remarquable parolier, qui derrières des refrains faussement innocents traite avec une certaine dérision les relations sentimentales.
Hormis quelques petites fausses notes, il y a assez de bonnes chansons pour que ce disque penche largement du bon côté de la balance.
Le site officiel de Brendan Benson