Les franco-anglais de Piano Magic agitent les fantômes du passé pour mieux éclairer leurs désillusions. Habillé d’un manteau neigeux, Glen Johnson et les siens tissent une musique éthérée et envoûtante. Calme en surface.


Piano Magic est de ces groupes pour qui nous avons une affection particulière, pour qui nous éprouvons à chaque sortie d’album un sentiment de relâchement après l’angoisse de voir Glen Johnson et ses acolytes baisser les armes et quitter la route sinueuse et tellement ombragée de la pop musique. De disques en disques à la beauté fragile, le groupe s’évertue à souffler sur la braise qui à tout moment peut être condamnée à mourir. Et c’est ce qui rend leur musique si attachante. Livrée à elle-même, elle est pendue à un fil qui ne retient que les rêveurs d’un autre temps. Le plus longtemps possible souhaiterons-nous. Sur une piste de danse où le monde a déserté, les franco-anglais réchauffent leur coeur au contact d’une musique vaporeuse dont la flamme continue à être animée. All I need is love and music, love and music ’til I die chante Glen comme pour se donner la force de vivre.

Depuis 1996, Piano Magic panse ses plaies et traîne les maux comme une respiration difficile. A chaque pas, c’est de la vie gagnée. Alors on se laisse envoûter par une musique au profondeur abyssale et par des mots qui crachent leur venin, acide Anything can happen in life especially nothing, mainly nothing I’m disaffected now.

Depuis The troubled sleep of piano magic, le groupe semble s’ouvrir à la lumière et épaissir un peu plus sa toile sonore. Pourtant, il préféra toujours les lumières tamisées aux feux brillants d’une orchestration hâbleuse. La gravité des mots du chanteur pèse sur une instrumentation en habit de bure qui épouse au mieux ses desseins poétiques. Ainsi sur « I must leave London », il retranscrit avec un rare sens de la nuance le besoin de s’éloigner de la folie des villes pour des paysages sauvages plus reposants pour l’âme. Néanmoins sous une silhouette de lyrisme attristé, les chansons de Disaffected sont hospitalières. L’atmosphère est certes pesante mais moins délétère que sur les précédents albums, rarement contemplative. Piano Magic n’a de cesse de peaufiner son écriture pour aboutir à une pop atmosphérique des plus distinguées. C’est dans ce travail méticuleux voire obsessionnel que se gagne la simplicité des chansons, jouées en haute voltige.

Si à l’écoute de cet album, on pense à leur chef-d’oeuvre Artists’ rifle c’est avant tout pour cette même mélancolie tenace, cette même épure. Les plages hypnotiques nous ramènent toutes vers une nostalgie envahissante comme en témoigne « The nostalgist ». Une musique apaisée en surface, agitée par une âme tourmentée qui ne trouve la paix que dans l’instabilité. Les entrelacs de guitares électriques se mêlent à une rythmique électronique synthétique d’où s’échappe une quiétude fragile dont on sent à chaque moment les angoisses récurrentes, menaçantes relatées par les chansons « Theory of ghosts » ou « Night of the hunter ». Et si ce dernier titre rappelle celui de l’album solo de Brendan Perry, Eye of the hunter, coïncidence ou pas, lorsque la voix magistrale de John Grant (The Czars) emmène « Your ghosts » vers des astres qui aiment flirter avec la destruction, on croit entendre l’ancien Dead Can Dance chantant « Captive heart ». Bien que le fantôme de l’irlandais rôde, nous sommes bien confrontés à la rencontre entre l’austérité des Cocteau Twins et l’électricité corrosive de My Bloody Valentine, le tout arbitrée par la pop lunaire des Sneetches ou Feelies.

Dans la droite lignée de ces architectes d’ambiances voluptueuses, Piano Magic perpétuent cet amour des mélodies à la douceur luxuriante, aux ambiances songeuses. Un onirisme bien ancré dans le corps des compositions dont on partage la finesse d’esprit et le calme souterrain. Les nerfs en pelote, Disaffected semble nous dire que c’est dans le mécontentement qu’on trouve l’apaisement. Set your clock by your heart comme ils disent.

-Le site de Piano Magic