Soit deux amis fous de musique qui s’emploient à faire le grand écart entre le glam-rock des seventies et la culture club des années 90. Leur premier album déborde d’énergie et de sex-appeal. Faut-il se méfier des apparences ?
Nanti d’un tube bombesque déjà rattrapé par la publicité, l’impeccable « Can You Touch Me » suintant le désir charnel et le rock animal, The Film débarque avec un premier album glam-rock survitaminé. Pas la peine de chercher du côté de l’Angleterre une quelconque biographie officielle. Si les groupes en « The » sont d’ordinaire l’apanage des British, The Film, lui, est bien un groupe français ayant poussé au milieu des vignobles bordelais, là où le temps et la maturation sont de précieux alliés pour tout ce qui se déguste avec délectation.
Duo bicéphale d’un navire électro-rock new look, Guillaume Brière et Benjamin Lebeau, n’en sont pas à leur premier coup d’essai. Fous de musique et bardés de références, les deux compères naviguent entre les galaxies musicales avec une boulimie déconcertante depuis la fin des années 90. Drum’nbass, downtempo, rare groove, electronica… tout leur réussit en tant que DJ, remixers confirmés (Tommy Hools, Autour de Lucie, Minus 8) ou membres du collectif Zimpala aux côtés de David Walters et de DJ BNX. Enchaînant maxis, vinyles et compilations, ils se forgent alors une réputation, voyagent beaucoup et font des rencontres qui les amènent aussi à travailler comme illustrateurs sonores dans la publicité (tiens, tiens).
A la vue de ce CV exemplaire, le duo (pas encore trentenaire) a trouvé avec The Film un aboutissement logique à ses années de formation hybrides. Sur leur premier album éponyme, les deux compères laissent éclater les influences musicales qui les obsèdent depuis leur jeunesse : le psychédélisme des premiers Pink Floyd, le glam de Bolan, Roxy Music et Bowie, la pop arrangée de Gainsbourg et Polnareff, l’electro d’Air ou encore le rock expérimental de Can. Bref, un menu alléchant et roboratif.
A grands coups de riffs de guitare, de basses crépitantes et de cuivres nasillards, The film insuffle à ses compositions rock réglées au millimètre l’énergie du club et des dancefloors. L’album démarre en trombe avec « Can You Touch Me ? » et cette voix terriblement suggestive. Puis vient le très madnessien « Top of the Hopes » et une petite incartade chez les Beatles » Hey ! My Lovely Girl », bref rien que du bon, du très bon même, à l’exception du titre en français « Où est le désir » qui sonne comme du Chagrin d’Amour (mais si rappelez-vous : « 4 heures du mat’ j’ai des frissons… »).
En 11 titres, le groupe nous entraîne dans une odyssée scintillante où des mélodies gonflées à bloc croisent le fer avec des voix gorgées de désir. Mais ne vous y trompez pas, sous les faux-semblants (faux airs anglais, fausse nonchalance, glam de pacotille), The Film abrite d’authentiques musiciens, capables d’écrire des mélodies et des arrangements complexes qui coulent de source.
Si l’album peut nous faire croire à un rassemblement de machines triturées par deux sorciers anonymes, les prestations live démontrent qu’il s’agit bien d’un groupe de scène à l’énergie débordante. Ça va vite et dans tous les sens. Mi-Jagger, mi-Ziggy, Benjamin Lebeau promène un torse d’éphèbe sensuel et poseur, brandissant sa basse comme un objet phallique. Guillaume Brière, lui, joue de la Telecaster avec l’air de s’en foutre comme Keith Richards. Bref, le groupe déploie la panoplie de la parfaite rock star tête à claques. Mais si le duo se prête avec humour au diktat du marketing, on est en droit de douter de la sincérité de cette démarche. Reste à espérer que The Film n’a pas le vent en poupe pour de mauvaises raisons car au final derrière le matraquage et les mimiques de singes, ne reste que la vérité de leur musique, la seule chose qui ne se travestit pas.
-Le site officiel de The Film