Défiant HG Wells sur son propre terrain, Lansing Dreiden explore le temps avec insolence, passant de la psyché californienne, au post-punk fantômatique et à la dance de New Order .


Un bien curieux ovni que voilà. En activité depuis 2001, Lansing Dreiden est un collectif basé à New York qui aime brouiller les pistes plus vite que son ombre. Entre projet d’art multimédia ou tout simplement « entreprise artistique », ce consortium d’artiste proclamé ainsi dans la biographie ne faire aucune distinction entre l’art et le commerce. Nos activistes libéraux veulent donc rétablir la cacophonie artistique chère à ce vieux filou d’Andy Warhol. Car il s’agit bien ici de « pop art » : « Pop » par sa manière d’aborder la musique, « art » par son approche radicalement dévergondée et ludique, le tout pour son approche mercantile assumée.

Originaire de Miami, le collectif s’est d’abord fait connaître en publiant un journal littéraire « Death Notice », puis en exposant des vidéos et visuels dans des galeries d’art et autres institutions à travers le monde. Pour le reste, le mystère perdure…. On ne sait que peu de choses autour d’eux, si ce n’est que ses membres (combien sont-ils ?) aiment cultiver l’anonymat : entretiens accordés uniquement par mail, refus d’être pris en photo, sans parler des concerts, inexistants.

Heureusement, leur conceptualisation nombriliste prend ici largement le pas sur la forme que sur le fond car leur musique tend à être largement moins cérébrale et plus accessible. The Incomplete Triangle est un excellent album de pop, mais de la pop avec un champ l’action assez large tout de même…

Certainement toujours en train de trancher à l’heure où vous lisez ses lignes, Lansing Dreiden a finalement décidé de couper son disque en trois parties bien distinctes. La première partie impose une pop psyché californienne avec des guitares tranchantes dans l’esprit nuggets. La deuxième partie nous propulse en pleine période new wave-post punk. La troisième enfin se veut légèrement plus dance/new wave. Dans ce conflit qui oppose trois générations distinctes, on aurait vendu le contenu The incomplete triangle sous trois Eps différents et autant de noms de groupes que nous n’aurions vu que du feu.

Le disque démarre donc en plein revival sixties, lorsque l’acid rock et la jeunesse californienne bouillonnante battaient leur plein. L’electricité fun de “The Eternal Lie” fait preuve d’un joli sens du riff qui swingue, rappelant parfois Thin Lizzy, avec un sens de la guitare fuzz plus lointain. “The Advancing Flags”, avec ses synthés très cliché Joy Division, semble passer le relais vers les années 80 : Voix traitée au vocoder, effets de styles un peu lugubres, (il ne manque plus que les toiles d’araignée), on prend autant de plaisir à l’écouter qu’à regarder une série Z.

“I keep Everything”, opte pour les délires psychédélique 60’s : Ambiance mystique avec une réverbe omniprésente, harmonies vocales en canon, le groupe est plus impressionnant dans ce registre à vrai dire. “Laid In Stone” nous entoure d’un voile mystérieux dessiné par un motif de guitare qui semble faire des va et vient avec nos neurones : une brèche espace temps vient de s’ouvrir, on entre dans la cinquième dimension des oiseaux.

Dans la dernière partie de l’album, “Glass Corridor” aborde une approche plus new wave et dance à la New Order avec des sons electro plus contemporains. On sent que le groupe cherche là à plaire à un champ plus vaste. Il y a même un single potentiel, « I.C.U. », qu’on jurerait échappé du temps de “Blue Monday”.

Un peu balloté, The incomplete triangle laisse l’impression d’avoir écouté la compilation « fait maison » d’un pote, visiblement peu soucieux de l’homogénéité. Et c’est certainement là tout l’intéret de ce disque indiscipliné.

-Le site officiel de Lansing Deidren

-Le site du label Kemado