Hal évacue la déprime comme d’antan on chassait les sorcières du temps de la cour des miracles. Des pop songs prodigieuses, marqués du seau de la sunshine pop.


« Ecrire des chansons positives est un art bien plus complexe que d’écrire sur la dépression ou la tristesse. » Ces propos tirés de ma vieille pile de magazines Rockstyle, sortent de la bouche de Jon Anderson, chanteur fantasque et leader baba-cool des rois du progressif, Yes. Bon vous savez qu’on ne porte pas trop d’intérêt au rock progressif, il n’empêche que Brian Wilson aurait aussi bien pu prononcer ces mots, tant les propos lui vont comme un gant. Le quatuor de Dublin Hal a pris pour argent comptant cette missive et tente de l’appliquer avec un respect rare.

Les frères Dave et Paul Allen (respectivement chant/guitare et chant/basse) avec Stephen 0’Brien (clavier) n’ont pas plus de 27 ans. Nourris à la brit pop dès leur plus jeune âge, c’est certainement un peu plus tard, en dévorant les pages de Mojo magazine, que Dave et Paul commencent à vouer un culte aux harmonies cristallines des Beach Boys mais surtout au génie visionnaire de Brian Wilson. Outre la beauté des compositions, les frérots veulent devenir les porte-drapeaux contemporains de cette innocence sophistiquée que l’on ne retrouve qu’à travers l’aura sixties de la sunshine pop. Cette science de la symphonie féerique érigée par Curt Boettcher, Jimmy Webb, Phil Spector et quelques autres petits prodiges. Et le résultat est troublant, on se dit que cette musique qui en émane ne peut être l’oeuvre de coeurs purs. Impossible de ne pas penser qu’une auréole ne trône pas au-dessus de leur tête tant les vibrations négatives sont ici rayées de la surface de la terre.

Signé par ce vieux renard de Geoff Travis sur son label Rough Trade, Hal compose des pop songs à l’exigence artisanale vieille de quarante ans. Derrière des mélodies mignonnes qui ne durent pas plus de quatre minutes, chaque élément est ici pesé au microscope nucléaire : violons chatoyants, piano gonflé à l’hélium et choeurs servis de « Choubidou » et des «Woooooo»». C’est pas fantastique comme programme ?

Conduit par le producteur Bill Price (The Clash), le vieux briscard leur a concocté pour ce premier album un son divin. Rien de ce qu’on entend ici n’est postérieur à 1972, d’où une saveur de grand cru incomparable. “Play The Hits”, leur single incendiaire, rassemble des éléments de premier choix : Mike Love s’est invité entre deux roulements de tambour spectoriens, traversant un pont mélodique qui nous emporte directement au 25 décembre, alors qu’on est en plein mois de mai. Sacrée performance. Suivant scrupuleusement les recettes du petit Mc Cartney illustré, le joyeux et entêtant “Don’t Come Running” évoque à son tour les bonbons que nous confectionnait l’ancien scarabé du temps de sa suprématie.

Capable de pièces-montées grandioses (“My Eyes Are Sore”), Hal se revendique de l’innocence californienne 60’s mais tout comme les Beach Boys dévoile peu à peu une tristesse insoupçonnée. Pour exemple, c’est la trompette de “Fools by Your Side” qui évacue ici tout son spleen à la manière des Pale Fontaines. Certaines ballades comme “Keep Love as Your Golden Rule” pourrait être des fonds de tiroir d’Harry Nilsson ou d’un Jimmy Webb de 25 ans.

Finalement, si l’on écoute cette musique – que certains peuvent trouver niaise – c’est qu’on y décèle une émotion qui nous touche parfois autant qu’une chanson écorchée de Nick Drake. Ceux qui ne se sont jamais remis de la beauté renversante d’un “You Still Believe in Me”, ceux-là peuvent se vautrer sans hésitation sur ce petit joyaux. Et puis les autres aussi, tout de même. Doubidoubidou…

-Le site officiel de Hal