Damon Albarn est un workholic très talentueux qui a encore beaucoup de choses à dire. Tout ce qu’il touche depuis le premier album des Gorillaz est non seulement innovant mais très réussi.


Une chose est certaine : Gorillaz n’aura pas été un feu de paille. Après les six millions de copies vendues de Gorillaz, voilà nos joyeux troubadours de bande dessinée (créés par Jamie Hewlett) de retour, avec un album peut-être encore plus osé que le premier, en tout cas plus abouti et cohérent, plus kaléidoscopique aussi, avec, aux côtés de Damon Albarn, non plus Dan The Automator mais Danger Mouse. En effet, ici, on n’a pas lésiné sur les moyens : chorale (la London Community Gospel Choir et la Children’s Choir San Fernandez), violons, alto, violoncelle, contrebasse, piano, invités de prestiges (De La Soul, Neneh Cherry, Martina Topley-Bird, Roots Manuva, Ike Turner, Shaun Ryder, Dennis Hopper). Sans oublier l’ingrédient principal : la batterie, la guitare, mais surtout la basse et les voix qui donnent à l’ensemble l’impression d’être devant un soundsystem échappé de Jamaïque qui aurait pris des rappeurs et autres musiciens (dont un orchestre) en vol… Le résultat est en tout cas à la hauteur de tout le buzz qui entoure cette sortie.

Rappel des faits : C’est en 2001 que les musiciens cartoon Murdoc Nicalls (basse), Russel Hobbs (batterie), Noodle (guitare) et 2D (chant) débarquent avec un album éponyme distillant reggae dub, punk et hip-hop, le tout sur fond de clips très bien sentis et de virtualité collant parfaitement à notre époque en perte de repères. Une visite de leur studio Kong, dans lequel les quatre membres semblent vivre en permanence, permet de visiter la chambre de chacun et d’y découvrir leurs hobbies ainsi que leurs goûts musicaux variés. Noodle la gamine par exemple arbore des posters de Tom Waits, Super Fury Animals et The Bees dans une chambre très bien rangée, où l’on peut également trouver un Mac et un lecteur de mini-disc… Chez Murdoc c’est Blackalicious et The Zutons qui dominent une chambre bordélique, bourrée de détritus de take-away dinners, à côté d’un tourne-disques et d’un vieil Atari. Chez 2D ce sont les affiches de The Clash et de Trojan records (fameuse maison de disques de reggae) qui trônent à côté de synthés et de Dirty Harry (Clint Eastwood). Notons d’ailleurs que le « Clint Eastwood » du premier album trouve ici en « Dirty Harry » son alter ego. Je ne vous en dis pas plus, un coup d’oeil sur leur site vous en apprendra bien plus.

Tout ce petit scénario virtuel (comprenant interviews, mises en scène, site internet, pochette, packaging, clips vidéo, accessoires etc…) a plusieurs avantages, dont le principal est de tout pouvoir se permettre, en plus d’être très original. L’humour et l’innovation en primeur. Ensuite, musicalement parlant, il reprend le concept des Chemical Brothers et autres Death In Vegas, mais aussi The Neptunes, à savoir pouvoir inviter à pousser la chansonnette des artistes venus de tous les horizons (rappelez-vous d’Ibrahim Ferrer sur leur premier album). Enfin, et surtout, il permet au groupe d’exister virtuellement et donc d’échapper à tous les marathons promo conventionnels où l’on répète mille fois la même chose aux quatre coins de la planète. Pas d’interviews, et na! Pour ce qui est des concerts, la formule de la tournée précédente, où les « vrais » Gorillaz se cachaient derrière un fond d’écran géant sera probablement réitérée. Damon Albarn, après avoir pu se défouler avec un premier album sur les genres musicaux pas encore couverts par sa formation initiale, Blur (« O green World » pourrait en provenir d’ailleurs), et après un album enregistré au Maroc avec ses derniers, mais aussi s’être investi dans le label Honest Jon’s, ainsi que dans une compile sur le Mali, peut désormais vraiment tout se permettre. Pour son plus grand plaisir. Et le nôtre.

« Kids with guns » ou « Feel good inc. », le single, mettent en avant d’entrée de jeu une double basse vibrante. Beaucoup de sonorités funk (« Dirty Harry » ressemble à du Tom Tom Club) infestent la galette également. La voix apaisante de Damon Albarn, distribuant ses refrains light et qui se retiennent facilement sont d’une efficacité imparable. Quant aux collaborations, on notera, à côté de l’austère spoken word de Dennis Hopper sur « Fire Coming Out Of The Monkey’s Head », la très enjouée Rosie Wilson(Neneh Cherry? Aucune trace nulle part de cette Rosie Wilson dont la voix rappelle étrangement la chanteuse de « Buffalo Stance » et « Manchild ») sur « Dare » ou le flow méga-reconnaissable de Roots Manuva sur « All Alone ». En règle générale, on peut dire que les titres semblent mélanger les us et coutumes du reggae, de la dub, du hip-hop, du funk, drum & bass (« All Alone »), de soul (« Every Planet We Reach Is Dead »), des jeux vidéo, des musiques de film (science fiction, policiers et westerns). Sans oublier, rappelons-le, deux-trois ingrédients relevés sur des instruments classiques pour donner à ce mélange bizarre une classe surréaliste.

Le – très chouette – site de Gorillaz