A la lisière de Sixteen Horsepower, The National ou Sonic Youth, ce quintette Grenoblois parvient à orner son rock de sensations en lévitation. Mortel.


Superbement présenté en format digipack cartonné et en édition limitée, cette réédition du premier album de Hitchcock go Home permet de constater que l’effet du temps n’a pas laissé de cicatrices à l’une des excellentes surprises de l’année dernière. Formation rock à majorité Grenobloise, défendue par le label Drunk Dog (également acquéreur des fins post-rockers de Porcelain), Yes You’re Dead se voit décemment distribué par Chronowax, ouvrant ainsi au groupe un accès fédérateur aux bacs de la Fnac à travers toute la France. Une promotion qui fait plaisir à voir et surtout à entendre. Voilà un groupe qui a bien compris que s’il faut faire avancer les choses en France, il ne faut compter que sur soi-même.

Subtil mélange de sonorités mystiques et fusion rock noisy, ce quintette du cru n’appartient pourtant à aucune famille recensée de par chez nous. Totalisant pas moins de 22 cordes en acier tendu (3 guitares, une basse) en son sein, le gang désormais parisien connait les ficelles – que dis-je – les cordes pour tisser des formes voluptueuses ou déchirées. A l’écoute de titres étoffés comme “How to Stop It Now”, ce travail d’orfèvre enverrait se rhabiller d’autres groupes anglo-saxons logiquement mieux lotis. On notera sur les crédits du disque la présence de Charlie du groupe Cyan & Ben, venu prêter main forte à grand coup d’effets programming et samples, toujours vintage et égrainé à doses parcimonieuses. Les compositions alternent entre organe vocal masculin (Martin) et féminin (Fanny), selon l’ambiance qui se prête le mieux.

Et puis on rentre dans le vif du sujet. “Blank” avec son thème de banjo hypnotique est une jolie ballade poussiéreuse. On pense à Sixteen Horsepower pour cette entrée en la matière presque mystique, mais l’usage de guitares plus dissonantes et métriques apporte également une nature post-rock à l’ensemble. « Coward Song » est un pure défouloir d’indie rock digne de ce nom, cultivant une fluide ambivalence entre accélérations noisy implacables et passages plus apaisés. On constate alors qu’HGH aime les courbures, battre le fer tant qu’il est encore chaud pour ainsi tordre la matière jusqu’à aboutir à une forme anonyme. Ils n’hésitent pas également à donner des coups d’archet pour dompter leur larsen, ou insuffler une mélancolie sur un air de trompette ou de glockenspiel.

Sachant moduler leurs émotions, …Yes You’re Dead ! recelle quelques instants précieux comme sur le clotural “What Have We Done”, qui rappelle par moments la grâce inconsolable d’Idaho et Bedhead. D’autres influences se font entendre sur le planant “Night Falls,” où la voix de Martin laisse flotter l’ombre d’un « foulard rose » au-dessus de leur scène de bataille. Soudainement, le vent se redresse frontalement, optant pour des colères orageuses, et des éclairs de vrilles saturées. En maître des trames alambiquées, le groupe n’a pas volé son nom.

Sur cet attrayant et prometteur neuf titres, HGH traîne encore quelques petites erreurs de jeunesse, (voix mal mixée, quelques tâtonnements sur un ou deux titres), mais l’essentiel est là : Puissance, volupté et intégrité. On n’en demandait pas tant pour cet outsider de « luxe ».

-Le site officiel du groupe
-Le site du label Drunk Dog Records