Lorsqu’un génie (Bright Eyes) découvre un autre génie (Willy Mason) et décide de l’épauler, on peut être sûr d’une chose : la qualité sera au rendez-vous.


Dès la première écoute, ce qui marque chez Willy Mason, c’est la grande maturité de sa voix et de ses textes. Après Bright Eyes (avec lequel, vous allez voir, il y a des connections), on ne cessera donc jamais d’être étonnés par ces génies juvéniles qui font aussi bien que leurs modèles, devenus entre-temps des papys (ou des cendres…) : Bob Dylan, Woody Guthrie, Hank Williams, et même Leonard Cohen. Allez, n’éxagérons rien, il y a aussi parfois un côté Smog dans les morceaux de Willy Mason, le désespoir en moins peut-être.

Rappel des faits : Originaire de Cape Codd, de parents musiciens bohèmes, c’est dès l’âge de 11 ans que Willy Mason (aujourd’hui âgé de 19 ans) est immergé dans le monde de la musique, du folk et du blues en particulier. Il découvre plus tard chez Nirvana et Rage against the Machine les métaphores musicales aux interrogations qui le traversent et auxquelles l’école ne semble apporter aucune réponse satisfaisante. C’est aussi RATM qui lui donnera envie de se faire médium, pour tenter de changer le monde, même si c’est l’avis d’une seule personne, lui.

Tentant d’allier l’héritage historique et familier à la rage punk, Willy se produit modestement sur son île. C’est lors d’un passage sur la radio locale qu’un ami de Conor Oberst, alias Bright Eyes, l’entend par hasard… Ce dernier, sous le charme lui aussi, prend alors la main de Willy et le guide, d’abord au sein de son projet Team Love, puis l’épaule dans sa carrière solo, autant dans les tournées que dans les sorties éthyliques… « Hard hand to hold », single que l’on retrouvait déjà sur l’EP du même nom (chroniqué ici), est censé faire office de victuaille. L’ambiance de grande tradition americana, guitare sèche et voix nostalgique étaient alors aux premières loges. C’est en soutien à des artistes aussi renommés que The Greateful Dead, Death Cab for Cutie ou Ben Kweller qu’il fait ses premières armes. les conseils de son entourage, « You’re just a kid, you shouldn’t read Dostoevsky at your age », ne vont pas être suivis… Y a qu’à voir la pochette (signée Geoff Pease) pour s’en convaincre.

Mason.jpg Les paroles, justement – et du coup -, ne sont pas gaies, mais pas désespérées non plus. « Hope is all that we can do » entonne-t-il dans « All you can do », s’autorisant parfois de chanter faux, histoire de joindre le geste à la parole peut-être. Car le chant n’est pas exceptionnel dans le sens « tiens, mais quelle formidable voix », non, mais on la retient car elle est atypique, aussi atypique que celle de Bright Eyes, mais dans un autre registre; un peu comme quand vous rencontrez un adolescent, et qu’une fois qu’il ouvre la bouche vous vous demandez si c’est un fumeur invétéré de cigarillos ou si sa voix mue au gré des jours… Oui, tout ça pour dire que Willy Mason a une voix très grave mais vraiment pas la tête à ça (voir photo ci-contre). Pour en revenir aux paroles, on pense avoir devant soi un de ces utopistes qui mettent la protest song sur un piédestal, et qui croient dur comme fer que celle-ci aura – peut-être – raison du cynisme politique et de la cruauté bestiale des hommes.

Le EP nous avait déjà laissé une très bonne impression. Le premier album que voici enfonce le clou, et nous donne à écouter un bonhomme qui ne sera pas oublié de sitôt, on en prend le pari, car il a du talent à revendre et des choses à dire et à clamer, sans pour autant se voir comme un coq dans une basse cour à ses pieds au moindre kot kot kodek. Son frère à la batterie, Sam Mason (16 ans), est entouré aussi par Kenny Siega (piano) et Tom Schick (basse et guitare), Willy Mason s’occupe de tout le reste (guitare, basse, accordéon, vibraphone, violoncelle et synthétiseur) mais aussi de l’écriture et de la composition. La production est assurée par eux également. Ben chapeau hein!

« Oxygen » aussi se retrouve ici alors qu’il était sur l’EP. A lui tout seul, il résume bien la force de frappe des paroles : « we can be stronger than bombs if we’re singing along (…) we can be richer then industry as longer as we know there are things that we don’t need, we can speak louder then ignorance ».

Willy Mason se permet quelques clins d’oeil osés et réussis : sur « Letter #1 », c’est Tom Waits qu’il semble honorer.
C’est aux côtés des déjà très bien cotés The Arcade Fire, Rufus Wainwright, The Magic Numbers, Ray Lamontagne, et Antony and the Johnsons que Willy Mason a été ajouté à la liste des nominés pour meilleur nouvel artiste de l’année 2005 du magazine Mojo. C’est plus que mérité.

Le site de Willy Mason
Le site anglais de Willy Mason