Lorsqu’une actrice américaine décide de faire du punk-rock dans la lignée des Stooges… Ne riez pas, le pari est réussi.


Juliette Lewis, on la connaît grâce au cinéma. Sa – sensuelle – scène dans Cape Fear l’avait propulsé sur le devant de la scène des bons acteurs. Ensuite, des films aussi divers que Natural Born Killers ou From Dusk till dawn ont parfait sa carrière. Lorsque, l’année dernière, on la retrouve comme invitée sur l’ultime galette de Prodigy, on pense plutôt à un caprice d’actrice voulant pousser la chansonnette qu’à quelque chose de vraiment sérieux. En effet, spécialité pour le moins franco-française, les actrices qui sortent des disques ont toujours existé en France (d’Isabelle Adjani à BB, de Jane Birkin à Sophie Marceau, de Sandrine Kiberlain à Arielle Dombasle, j’en passe et des meilleures…). Chez les anglo-saxons, c’est plus rare. On a bien Keanu Reeves qui fait partie d’un groupe (sans intérêt à ce qu’il paraît), et puis qui? Nicole Kidman en duo avec Robbie Williams? Bruce Willis, Russel Crowe? C’est plutôt le contraire (des chanteurs qui se font acteurs) qui est vrai chez eux : Madonna, Courtney Love, Frank Sinatra, Mike Patton même (si si je vous assure, dans Firecracker), Tom Waits etc… Et puis voici qu’une Américaine se décide à faire ce que font les francophones, avec un album entièrement chanté par elle, et, surtout, avec un album qui tient plus que largement la route. Enfin, grosse différence, et de taille : c’est dans le punk-rock qu’elle officie.

C’est en 2003 qu’elle a formé son groupe, The Licks (les coups de langue…), antérieurement donc à sa guest appearence chez Howlett. Elle dit l’avoir fait afin de secouer le prunier, la société devenant selon elle un véritable bain marie fait de peur, d’apathie et de doute, avec des radios FM qui crachent sans cesse les mêmes tubes insipides… Afin de joindre le geste à la parole, elle entame une tournée avec ses camarades afin de bien roder sa musique et aussi de se frotter à la dure loi du public. Très vite comparés aux Stooges et à MC5 (on a vu pire comme références), Juliette & les lèche-bottes (oui, je sais, c’est pas très fin mais c’est plus fort que moi, et puis c’est mieux que lèche-c..) prouvent très vite à tout le monde leur talent et leur rage d’y arriver. Ils sortent un premier EP en 2004, …Like a bolt of lightning, qui reçoit de belles critiques. C’est en écoutant les Talking Heads, Patti Smith et The Pretenders qu’ils ont enregistré ce premier album. ça ne s’entend pas instantanément mais l’info est intéressante.

La voix à moitié enrouée de Juliette Lewis se marie parfaitement à la batterie de Jason Morris, à la basse exacerbée de Paul Ill et aux guitares aguicheuses et accrocheuses de Todd Morse et de Kemble Walters (également aux claviers). Le rythme est soutenu, le chant aussi, et l’on pense très vite à Iggy Pop in femina en fait (avec un clin d’oeil ostentatoire sur « American Boy vol.2 »), avec des allusions autant à Patti Smith qu’à Marianne Faithfull. En fait, elle réussit ce que les abominables The Distillers n’ont pas réussi, à savoir faire du très bon rock, bien crade, frisant à tout instant le punk, sans pour autant gueuler comme un porc que l’on égorge. Dans la même catégorie, Courtney Love et Melissa Auf Der Maur feraient bien – elles aussi – de prendre exemple sur elle.

« You’re speaking my language », le titre qui ouvre la galette, plante le décor d’entrée de jeu : une sorte de rock sixties survitaminé et rythmé sert sur un plateau d’argent le débit enflammé de Juliette Lewis. Les titres défilent, se ressemblent sans se cloner. Les choeurs rappellent les Pretenders, leur bonne humeur. Le reste aussi d’ailleurs si ce n’est le chant de la leader. Mais c’est bien à partir de « American Boy vol.2 », où elle semble singer Liam Gallagher en insistant de manière nonchalante sur certaines syllabes, tout en étant plongée dans un flot de guitares rageur, que l’on voit où elle veut en venir : le punk des Stooges est bel et bien à l’honneur. Les paroles ne sont pas piquées des vers non plus : Halliburton et toute la politique de Bush en prennent pour leur grade. Tout en concluant « I ain’t no politician ». Dommage. Chanteuse en plus d’actrice c’est déjà très bien.

Le site de Juliette & the Licks