Encore un canadien qui vient secouer le prunier rap afin d’y apporter un peu de frâicheur. Un métissage de toutes les musiques black, mais pas seulement, sert de decorum à sa rebellion joyeuse.


K-os est un rappeur nouvelle génération qui trouve que le rap actuel s’est totalement perdu dans les affres du fric et de la violence, pour ne pas dire plus : “Money and fame, could lead to emcee murder” clame-t-il sur « Emcee Murder », faisant allusion aux nombreux crimes qui ont décimé les gangs, envoyant six pieds sous terre des rappeurs comme 2 pac et The Notorious Big. Mais encore « Cut and slice irrelevance to the bone, and decapitate rappers that idolize Al Capone », sur « Commandante », des paroles qui sont là pour encore le souligner. Est-ce à Snoop Dogg qu’il pense ici ? Une chose est claire, la tendance des rappeurs est selon lui sur une pente savonneuse…

Auteur d’un premier album ayant connu un succès assez phénoménal, lui ouvrant les portes de India Arie, The Roots ,Nelly Furtado, ainsi que De La Soul, K-os a pu récemment collaborer au dernier album des Chemical Brothers. Tout ceci lui a montré qu’il y avait encore un espoir, qu’un autre hip hop, rebelle et politiquement engagé, pouvait également subsister, socialement et économiquement. Tant et si bien qu’il est obligé de revenir sur ce qu’il avait dit à la sortie du bien nommé Exit, à savoir que c’était son dernier album, et qu’il ne fallait plus compter sur lui. Il s’en explique sur « Paperklutz », avec l’appui de Kamau, porte-drapeaux local du spoken word si cher à Saul Williams, dont les idées semblent si proches.

Né et orginaire de Trinidad, dans les Caraïbes, K-os est toutefois étiqueté canadien (Toronto). Ce qui semble bien l’arranger puisque le renouveau du rap semble provenir des grands espaces boisés, avec Anticon en première ligne. Le rap anglais, lui aussi, semble suivre cette voie. Enfin, en Amérique, c’est plutôt vers Arrested Development et Outkast (avec qui il partage la grande diversité d’influences et de styles dans les titres) qu’il faut aller chercher des ressemblances, sinon les influences. Enfin, des artistes telles que A Tribe called quest, The Fugees et The Roots sont expressément citées dans le livret. Un beau mélange donc de rap « Jazzmaiqué » alternatif.

Son ouverture d’esprit n’a pas changé d’un iota : pour cet album, son hip hop n’hésite pas à chiper des ingrédients au reggae, à la soul, au R & B, au rap old school, au folk et au blues, voire même le flamenco (« Commandante »). Aussi à l’aise en acoustique accompagné d’une guitare sèche sur « Hallelujah » que dans un rap à la Public Enemy (« BBoy stance ») ou de la soul à la Terence Trent d’Arby (« Man I used to be ») qui est en fait un hommage à Michael Jackson, tant décrié ces temps-ci, mais qui reste pourtant un artiste incontournable. On pense souvent à Mos Def aussi, dans cette utilisation des instruments jazz (saxo, piano) comme sur « Crabtuckit ». K-os n’a pas pour autant lésiné sur les moyens : un véritable orchestre d’arpèges l’accompagne sur « Emcee Murdah », donnant à ses propos une dramatisation très cinématographique, ou sur « The Love Song » un parfum oriental du plus bel effet. Son talent réside probablement dans le fait qu’outre manier la langue de Shakespear dans le but d’éduquer « les masses », le bonhomme sait aussi très bien rapper et, surtout, chanter. D’une voix allant du très grave au très aigu (on s’en rend bien compte sur « Crucial »), on peut dire qu’il maîtrise tous les us et coutumes des musiques noires en général. Les refrains sont d’ailleurs toujours très soignés, mettant en valeur ses prouesses vocales. Le reggae est constamment présent aussi, donnant au décor un air de joie dans la rébellion (d’où le titre : Joyful Rebellion?). C’est vrai, on a pas trouvé mieux pour distiller la bonne parole que la bonne vielle méthode popularisée par Bob Marley, le plus grand chanteur de tous les temps issu du tiers-monde.

Enfin, la communauté hispanophone n’a pas été oubliée. Que ce soit dans la guitare très flamenco de « Commandante », introduit en espagnol d’ailleurs, ou dans les cuivres mariachi de « papercutz ». C’est bon d’avoir un album aussi pimenté, dans tous les sens du terme.

Le site de K-os