Pépère, le gros Black s’est payé en 2004 le luxe d’enregistrer un disque labelisé « americana » quelques jours avant le retour aux affaires des Pixies. Bémol : ce nid d’abeille ne pique pas.


Lorsque Charles Thompson décide de tourner la page, il n’y va pas du dos de la cuillère. Divorcé il y a un an et demi, le voilà déjà papa avec une nouvelle compagne. Professionnellement parlant, la métamorphose est d’autant plus radicale : réunion inespérée des Pixies pour une tournée en forme de consécration à travers tous les festivals et Zénith de la terre. Rarement on aura assisté à une reformation si étrange, alliant discrétion (aucune interview accordée jusqu’ici par le groupe) et emballement populaire.

En avril 2004, soit quelques jours avant de ressortir la grosse artillerie, Frank Black « Francis » a effectué son ménage de printemps, laissant de côté ses pieux et fidèles Catholics pour partir enregistrer son dernier album solo en date à Nashville, Mecque de la pedal-steel et ceinturons en forme de revolver.

Conscient que ses hurlements « au secours on égorge un cochon ! » allaient reprendre du service, notre homme s’est dit qu’il n’aurait peut-être plus l’occasion d’enregistrer un disque apaisé. Du moins, c’est l’impression qui en découle à l’écoute d’Honeycomb, une sorte d’intermède en forme de cure thalasso luxueuse.

Plongé dans un bassin gorgé de requins de studios, Frank Black n’a pas cette fois regardé les notes de frais, ce qui tranche un peu avec ses quatre ou cinq dernières livraisons – l’avance juteuse des Pixies doit y être pour quelque chose. Le guitariste légendaire Steve Cropper -pilliers du son Stax-, vient apporter son toucher de manche soul/sexy, en compagnie de deux autres têtes d’affiche, Buddy Miller (Emmylou harris, Steve Earle) et Reggie Young (Johnny Cash…). Sont présents également le bassiste David Hood (Traffic) et une tripotée de batteurs habitués du « plié en une prise ».

Cousin roots de Black Letter Days, Honeycomb ne contient aucun titre rock, uniquement des ballades voguant entre country, soul « vieille école », et piano de saloon. Le moteur tourne parfaitement, réglé comme une horloge… tellement bien qu’on fixe les aiguilles (du temps) avec impatience tout le long du parcours : la conduite est pépère et malheureusement aucun titre ne sort vraiment du lot. Les progressions d’accords magiques sont tout de même toujours là, mais complètement éclipsées par le savoir-faire très propre de ces vétérans de session. Proverbe du jour : « Si vous souhaitez dénicher une femme de ménage redoutable, allez donc à Nashville« .

“Selkie Bride » ouvre le bal, léger à souhait, où les choeurs « ooh ooh » sont de la partie. “I Burn Today”, premier single, est une ballade redneck inoffensive. Et tout se suit et se ressemble… Quelques variations délicates nous extirpent de temps à autre de cet état de somnolence, comme “Dark End of the Street”, où Black module son chant et devient plus noir que jamais, prodigieusement proche d ‘Aaron Neville. La performance est inédite, mais l’intérêt retombe bien vite. Seul titre relevé – mais au son clean – “Go Find Your Saint” aurait sans nul doute pu être plus péchu en d’autres circonstances. Petite curiosité, son ex-femme (et non Courtney Love comme prétendu dans la bio du label !) vient pousser la chansonnette sur “Strange Goodbye”, touchant, mais un brin anecdotique.

Récréation VIP, Honeycomb n’est pas mauvais, c’est juste qu’on s’y ennuie. Dire que ce disque est pantouflard n’est même pas juste, le travail y est soigneux et découle d’une démarche égoïste, donc crédible artistiquement parlant. Aucune raison non plus d’en vouloir au frontman des Pixies, d’autant que l’énergie qu’il déploie sur scène en compagnie de ses nouveaux ex-compagnons est proprement phénoménale. Même Mike Patton ressemble à un enfant de choeur lorsque Black Francis se réveille et pousse sa gueulante (ceux qui vénèrent “Planet of Sound” savent de quoi on cause).

Nashville vient encore de pondre un disque impeccable, lisse et sans bavure. Manque juste un peu de sueur. Espérons que Black garde ses gouttes en réserve pour un album « plausible » des Pixies.

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