En provenance de Norvège, un groupe qui rêve d’Amérique redonne à la pop ses lettres de noblesse. Avec son titre augural, A new order rising, il dessine les bases d’une carrière prometteuse.


Ne recevrait-on que le meilleur de la Norvège ou serait-ce l’harmonie des fjords qui stimule l’inspiration jusqu’à être débordante de maestria ? Car rien que depuis le début de l’année, nous avons été gâtés en albums somptueux – celui de Madrugada, Jaga Jazzist, Thomas Dybdahl, Bjorn Berge – et aujourd’hui A new order rising signé Washington. Aussi, il faudra un jour se pencher sur les clés d’une scène locale qui regorge de talents aussi créatifs.

Talentueux, Washington l’est assurément. A peine les premières mesures jouées, on adopte le style du groupe : un romantisme écorché, porté par une voix cristalline et des mélodies au lyrisme fougueux. On sait trop bien que parmi la quantité de musiciens qui traversent leur époque peu laissent une empreinte durable dans l’histoire. Pourtant on s’en voudrait de laisser passer inaperçus ces norvégiens.

Coup d’éclat d’un instant ou génie durable, bien que les années nous le diront, on veut bien parier dès lors sur la deuxième option. Rares sont les groupes qui s’emploient avec autant d’adresse à distribuer les cartes de la pop. Cette propension à voler si haut quitte à s’y brûler les ailes pousse l’admiration. Washington appartient à la race des funambules qui vont où le vertige les porte.

Quelques notes de piano suivies d’une nappe d’harmonium ouvrent les débats. Puis, le chant fragile de Rune Simonsen avance à pas feutrés dans cette danse crépusculaire qu’est le premier titre « Black wine ». A se balancer sur cette corde (vocale) si légère et si profonde à la fois, sans peur du vide, provoque l’ivresse des sommets. Ce n’est que la première chanson et on se surprend à avoir peur pour le trio. Des départs comme celui-ci on en a souvent entendus, mais maintenir un tel niveau d’équilibre par la suite est un art où beaucoup ont échoué. Tout peut casser à un moment ou l’autre. Et c’est parce que la chute est si proche que le spectacle est si émouvant, si éblouissant. Mais pour le plus grand des plaisirs de l’ouïe, les frissons entamés ne vont pas retomber aussi vite.

Ainsi, se succèdent des chansons à la gravitation insolite. « Landslide », « Walking man », « Maker of time », « Hymn » sonnent déjà comme des classiques. Chaque titre côtoie le meilleur de la pop. Jugez-en plutôt : « Landslide » se pare des mêmes dorures que les singles de Coldplay, « Walking man » ne déplairait pas à Rufus Wainwright, « Have you ever » a des airs de Mojave 3, « Riverrun by night » ou « Hymn » sont les cousins des compositions de Radiohead, « My sea » a des intonations chères à Tim Buckley et enfin « Maker of time » ressemble à ce que Jim Morrison a fait sur LA Women. Servie par des mélodies distinguées, la voix virginale de Rune donne le ton du disque. Elle illumine une rythmique classique (guitare, basse, batterie) qui sans artifice particulier tient sa place de choix. La production donnée aux mains de Lars Lien – déjà aperçu chez Motorpsycho, Badger, Diversion Blue – est sobre et très axée sur le chant. Mais pour que les points forts soient mis en valeur encore faut-il que les compositions tiennent la route. Ce qui est le cas grâce à un son façonné en fonction des instruments et de leurs harmoniques.

A new order rising est un album qui parle avec le coeur et au coeur. Les chansons au doux charme élégiaque semblent avoir été taillées dans l’épure. Chez les norvégiens de Washington, le processus de création est disséqué à même la source. Les titres sont interprétés comme si la vie devait s’arrêter une fois la note finale jouée.

En se mettant à nu avec une telle passion propre à la jeunesse, le trio réunit avec brio la finesse et la fragilité. L’art de l’équilibre est bien l’apanage d’une élite.

-Le site du groupe Washington