Le double rescapé Chilton – du rock et de l’ouragan Katrina – s’est donc décidé de rallumer le néon Big Star. Une tentative vouée irrémédiablement à la panne de courant, malgré quelques éclats lumineux.
Bonté divine ! Qu’est-ce qui a bien pu motiver Alex Chilton à retourner en studio enregistrer un nouvel album du mythique Big Star ? L’appât du gain ? Une lubie vieille de trente ans ? Faire plaisir à de vieux fans encroûtés ? Seul ce vieux fou le sait. Une chose est sûre, personne n’est dupe : la poussière d’étoile s’est éparpillée depuis bien longtemps. De là à la ramasser à la balayette, on frise le sacrilège. Pour mémoire, la carrière solo de Chilton -bien que ponctuée de quelques bons moments chez New Rose- n’a jamais autant brillé que celle de son étoile maudite. On pourrait appeler ce phénomène « vivre sous une éclipse de lune totale… » Bien sûr, on feint la surprise, car cela fait dix ans que la grande étoile se reforme occasionnellement sur scène, accompagné du batteur survivant Jody Stephens et de la paire Posies Jon Auer et Ken Stringfellow.
L’inspiration à vide – son dernier album digne de ce nom remonte bien à 15 ans – ce sont donc Jon Auer et Ken Stringfellow qui se sont chargés de recoller les pièces du puzzle. “Dony” annonce pourtant une tenue de route digne, le son Big Star est bien là, Chilton n’a pas perdu sa voix. Ce qui se passe par la suite est déroutant : on croirait entendre un disque des Posies tant Jon Auer s’accapare le chant sur “Lady Sweet” et “Best Chance”, bien placés en pole position du disque et excellents titres au demeurant. Mais le doute persiste : Chilton s’est-il perdu dans les couloirs pendant l’enregistrement des dits morceaux ? Il faudra attendre le très R’n ‘B “Love Revolution”, soit la plage 5, pour réentendre sa voix. Passons des paroles incroyablement niaises, le titre fait son petit effet, notamment avec son mimique guitare claqué sur le “ABC” des Jackson 5. Pour les rares résistants qui se sont procuré son dernier opus solo Loose Shoes and Tight Pussy en 2002 (et j’en suis), uniquement constitué de reprises R & B, cette option n’est guère étonnante.
Pour l’ensemble, ceux qui ne sont que fan du traumatisant Third/Sister Lovers (compilé par Ryko en 1992) passeront leur chemin. C’est en formation très serrée que le quatuor évolue sur In Space, celle qui a fait la réputation des deux premiers disques # 1 Record et Radio City. Une pop dominée par des guitares Rickenbaker, des choeurs léchés et une batterie plutôt réactive. D’ailleurs le Big Star mark #4 swingue pas mal avec des titres relevés comme “Mine Exclusively” et le très Chuck Berry “A Whole New Thing” (n’oublions pas que Chilton a produit le premier Cramps). Arrivé à ce titre, on se demande comment Chilton, qui était passé maître dans les progressions d’accord pop biscornues a pu retomber dans une écriture aussi plate. Déroutant. Et on ne vous parle même pas de l’instrumental suivant qui sent le remplissage à plein nez… Finalement, l’intervention prédominante de la moitié des Posies soutient l’édifice. Quelques titres anecdotiques ne cachent pas quelques résultats valables tel ce “Turn My Back On The Sun”, vibrant hommage aux Beach Boys, choeurs magiques à l’appui. Enfin le dernier quart du disque flirte dans les ambiances seventies bien vintage de la pop d’alors : Flamin Groovies, voire Badfinger.
Disque agréable qu’on ne peut même pas trouver mauvais, In Space ne nous envoit simplement pas dans l’espace, ni même au septième ciel, et c’est un comble de la part d’un nom aussi prestigieux. Entreprise irrémédiablement vouée à l’échec, le quatrième album de Big Star est bel et bien une étoile filante : Disparu en moins de temps qu’il ne faut pour l’oublier.
-Le site du label Ryko
-Un site de fan consacré à Big Star