Un groupe érudit, doué pour fignoler des mélodies inoubliables où les arpèges se font nobles. L’expression n’a jamais été aussi juste : The Clientele est roi.


The Clientele existe depuis plus de dix ans, et je ne les ai découvert il n’y a qu’un mois. C’est à se demander ce qu’on a bien pu faire pendant tout ce temps, la tête certainement plantée dans la terre comme une autruche. Très vite, on jalouse nos propres amis, eux qui gardaient secrètement ce trésor hors de notre portée. Salauds ! Car The Clientele est le genre de groupe qui provoque des achats compulsifs : sitôt leur musique traverse nos neurones, on a envie de tout connaître d’eux, le moindre grain de sable.

Auparavant distribué par Acuarella et repris désormais sous licence par Pias en France, signalons en gage de crédit que c’est le sélectif label Merge Records – maison d’accueil d’Arcade Fire et Spoon – qui les a signés aux Etats-Unis en 2001. A vrai dire, ce trio britannique balbutie depuis 1991, si l’on se fie à leur compilation de raretés Art It’s Dad, uniquement vendue en concert. Mais ce n’est qu’à partir de 1997 que The Clientele a commencé à presser ses premiers singles (vinyles). Pas pressé pour un sou, leur premier album sort en 2003, l’accompli The Violet Hour (si l’on omet la compilation de singles Suburban Light en 2001). Voilà une volonté d’éthique indépendante digne des défuntes productions de Sarah Records. On retrouve d’ailleurs un peu le son de The Orchids, Field Mice, Blue Boy and co à travers leur musique : une pop très riche, dominée par des arpèges qui vascillent, comme si Johnny Marr avait décidé de faire descendre son métronome à un tempo « Largo ».

The Clientele est un trio, un trio soudé, composé de Alasdair Mac Lean (voix/guitare), Mark Keen (batterie) et Jasmes Hornsey (basse). Mac Lean est bien sûr la force motrice du groupe, unique auteur des textes au romantisme désincarné et surtout maître de sa poésie guitaristique. Il faut écouter les harmonies incandescentes qu’il parvient à tirer de son manche, totalement exquises.

Strange Geometry approfondit l’expérience accumulée de The Clientele en termes de perfect pop song, tout en rajoutant à de nouvelles cordes à son arc. Avec les soins du producteur Brian O’Shaughnessy (Denim, Beth Orton), ils ont ainsi invité quelques violons (notamment sur le miraculeux “E.M.P.T.Y. STREAM”) arrangés par le français Louis Philippe, de la bande à Burgalat et offert une nouvelle dimension à leurs compositions déjà riches : Pop classieuse (“Since K Got Over Me”), ballades folk pastorales (« K »)… les thèmes sont toujours les même ressassés sans que la source ne semble pourtant jamais se tarir.

En parlant de cordes plus haut, c’est ici une fois encore une pluie de cordes qui tombe sur nous, mais celle provenant du nuageux Vini Reilly (Durutti Column) en guise de source d’inspiration. La Fender Rhodes d’Alasdair Mac Lean s’offre une production plus étoffée que par le passé et n’a pas perdu de son emprise mystérieuse. Quelques fuzz « psyché » viennent troubler de temps en temps l’ambiance bucolique (“My Own Face Inside The Trees”). Pour aboutir à un tel sens du raffinement, nul doute qu’il faut aussi savoir disséquer méticuleusement le génie de Lawrence « Felt« , la réverbe spatiale d’un Galaxy 500 et puis aussi un peu baigner sur la côte ouest californienne 60’s, bronzer sous les mélodies solaires de la Sunshine Pop et surfer sur les vagues de Jimmy Webb (« haut ! haut ! et loin »).

Strange Geometry nous rappelle tellement d’albums choyés et avec ça – évidemment – de bon souvenirs qu’on pourrait y passer la nuit en citant des noms de pochettes, paroles et autres livres de chevet auquels cette musique nous réfère. On vous dira seulement que The Clientele n’existe que depuis un mois dans notre quotidien et compte déjà beaucoup.

-Le site du label Pointy Records