Cet article ne comprendra pas : de jeux de mots avec les mots poudre, blanche, ligne, Kate, Pete, …
Cet article comprendra : une critique d’un album bien meilleur qu’on aurait pu le croire.


Est-ce utile de présenter Pete Doherty ? Tout le monde le connaît, même si c’est généralement pour de très mauvaises raisons. Son nouveau groupe, Babyshambles, sort enfin son premier album, et franchement, on en espérait pas grand chose. Est-ce pour cela qu’on en sort positivement surpris ?

Commençons par traiter quelques clichés. Une fois de plus, l’album sonne comme si les musiciens jouaient dans quatre garages différents, et Pete chante, eh bien, comme Pete. On a des bruits de studio, comme pour dire, hé, on est live, ici, punk spirit and all. Pour la troisième fois : Mick Jones, on t’aime, merci pour tout ce que tu as fait, mais arrête la production, merci.
Ensuite, le groupe est vraiment un groupe, et ne sonne pas comme The Libertines. Les guitares sont généralement plus abrasives que celles de Carl Barât, au point qu’on trouverait finalement plus de Soundgarden que The La’s dans certains morceaux. Enfin, oui, certains morceaux sont abominables, mais le bon surclasse de loin le mauvais.

Mais commençons par le début. « La Belle et La Bête » semble parler de Kate Moss (qui d’eux deux est la bête, à vous de décider) : “You turned your back upon her, once too many times” et comprend même quelques parties vocales enregistrées par Kate elle-même, qui chante très mal mais avec une voix à tomber raide mort. Ensuite vient le single « Fuck Forever », sorte de réponse nihiliste, dix ans après, à un autre groupe populaire/populiste, mais qui s’est progressivement éloigné de son public jusqu’à devenir totalement insignifiant. « Fuck Forever » est puissant, structurellement simple, comme toutes les pop songs parfaites, de « Ticket To Ride » à « Smells Like Teen Spirit ».

On connaît l’érudition de Pete, qui ressort un classique de la littérature esthétique décadente : Á Rebours de Huysmans, titre du troisième morceau. Pete Doherty est définitivement plus cultivé et intelligent qu’il n’y paraît, et même si on ne comprend pas grand chose à ses marmonnements, on ne peut qu’admirer sa capacité à trouver une mélodie à partir de pas grand chose. Plus loin, « Pipe Down » ferait presque penser au son Seattle 1990, et voit Pete affronter ses démons de face.

Jusque là, Down In Albion est un des meilleurs albums de l’année. Malheureusement, ça commence à se dégrader. « Sticks and Stones » ne ressemble à rien, « 8 Dead Boys » non plus jusqu’à ce que quelqu’un en studio écoute « Sympathy For The Devil » et décide d’ajouter quelques « ooh ooh’s ». « Pentonville » est un freestyle reggae chanté par un certain General Santana, compagnon de cellule de Pete (dans la prison de Pentonville), et prouve que le trublion a toujours besoin de quelqu’un pour lui tenir tête, pour fournir un point de vue différent (ce que faisait Carl Barât auparavant). Et puis, seize morceaux, c’est beaucoup trop de toute façon.

Retournons aux bonnes choses : le single « Killamangiro », réenregistré, n’a toujours pas de vraie structure, mais qui a besoin de structure avec de telles mélodies ? « In Love With A Feeling » et « Back From The Dead » sont de vieux morceaux datant de la période Libertines, et valent définitivement le coup, contrairement à une fin d’album brouillonne (même selon les standards Doherty-Jones).

Mais c’est surtout « Albion », perdu sur une ingrate douzième piste, qui donne une autre dimension à l’album. Les fans de Pete connaissent ce morceau, qui date du tout début des Libertines, mais qui n’avait jamais été publié jusqu’ici. Aucune comparaison ne pourrait lui rendre justice, disons juste qu’il rentre dans le panthéon des grandes chansons mélancoliques anglaises, et prouve (si nécessaire) que Doherty possède un grand talent. Les paroles se réfèrent aussi bien à l’englishness de Morrissey ou Jarvis Cocker (Albion est une métaphore pour l’Angleterre, créée par le poète William Blake) qu’à la réalité urbaine de Brett Anderson, le tout délivré par la voix inimitable de Pete Doherty, qui arrive à faire sourire et pleurer en même temps (voir à ce propos son single avec Wolfman, « For Lovers »), malgré une production encore très médiocre.

Down In Albion, en dépit de ses imperfections, dépasse toutes les espérances. Avec un vrai producteur et quelqu’un pour apporter un point de vue alternatif, on aurait sans doute eu le meilleur album de Doherty (qui reste toujours Up The Bracket). Babyshambles n’est plus un projet parallèle, et vu que Barât a maintenant un nouveau groupe (Dirty Pretty Things), il est probable que The Libertines ne revoient plus jamais le jour. Mais vu que Pete a trouvé un vrai groupe, avec des musiciens très compétents, on le regrette maintenant beaucoup moins.

Le seul regret est évidemment l’image publique de Doherty, celle du junkie pitoyable. C’est peut-être vrai, mais tout ce qui doit nous intéresser est le Peter Doherty artiste, et ce dernier est fantastique.

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