Auteur d’un premier album insomniaque en 2002 I’ve got a really important thing to do…, Porcelain, petite exception française, s’était fait une sérieuse réputation par sa capacité à créer des climats instrumentaux glaciales, tour à tour tendus ou brisés (avec un tel nom, cela va de soi). Trois ans après, Me an My Famous Lover signe les retrouvailles avec le groupe normand, qui continue d’élargir son terrain post-rock, quitte à ouvrir une brèche cette fois à travers le chant.
Moins enclin aux éclaboussures post-rock (le premier drone de larsen ne pointe qu’à la septième plage), l’un des fers de lance du label Drunk Dog s’est réinventé, tout en continuant de délivrer une musique sur la brèche, toujours capable d’élaborer des tragédies dantesques de 4 minutes. Francois Barriet (chant, guitare), porte-parole du groupe, dévoile ici quelques secrets de fabrication, Track by track. Mais ne vous y fiez pas, le mystère Porcelain demeure épais.
“encore”
Peut-être un des morceaux les plus atypiques. Il sert purement d’introduction à l’album. Le but du jeu était de créer un morceau hypnotique par la répétition à l’infini du Go qui entame le début de la plage et la superposition de boucles enregistrées. C’est un morceau de collages successifs avec une reprise des thèmes instaurés le plus souvent par la basse, une sorte de transition entre l’épuré et la surcharge outrancière d’éléments sonores. L’absence de chant renforce ce côté « travail de studio » qui émerge de cette version alors qu’en live c’est un morceau plutôt basé sur l’énergie.
“adelaide”
Probablement un de nos morceaux préférés de l’album. Là aussi, il y a une alternance de passages épurés et plus riches. Malgré le rythme imposé par la boucle des « Ah », l’esprit est définitivement plus pop qu’électro. Le son d’orgue provient d’un vieux Yamaha qui donne une couleur particulière au morceau. Nous sommes particulièrement fiers, je pense, de la fin du morceau qui prend une tournure mélo avec les cordes. C’est un morceau que j’espère touchant au niveau mélodique.
Les paroles évoquent la folie contenue dans la répétition continuelle d’un même acte.
“fifteen minute glory”
L’alter ego d’“Adelaide” dans le côté rock de notre répertoire. Un morceau rock basique avec guitares/basse/ batterie/chant. C’est une chanson assez chouette à jouer en live en nous avons tenté de recréer cette énergie, en plus travaillée ici. La chanson se décompose en deux parties symétriques qui évoquent les deux parties de l’album : une plus chantée et pop et l’autre plus « jusqu’au-boutiste » avec un chant plus considéré comme support et une plus grande place accordée au côté hypnotique des instruments. Là aussi le but du jeu est d’ « emmener » (c’est pas du terme galvaudé ça ?) l’auditeur sur les deux terrains.
La chanson parle du désir absolu de trouver de la reconnaissance chez les autres, qu’importent les moyens utilisés et ce qu’ils coûtent.
“marion is rock is marion”
En tant que chanteur, c’est vraiment ma chanson préférée, et de manière générale, elle est très appréciée des membres du groupe. Elle part d’une boucle enregistrée sur notre Groovebox avec un simple riff de basse et un beat tout bête. En studio nous avons poursuivi dans ce côté musique électronique et répétitif mais en insistant sur le fait qu’il fallait que tout soit «joué », du coup, tout le groupe joue sur la chanson et tous les sons ont été traités comme des performances de musiciens. Même la basse et le beat de la Groovebox sont passés par des amplis. C’était important pour nous de garder un son chaud, « rock ».
La chanson parle d’une histoire d’amour dont on ne sait pas si elle existe vraiment, mais l’énonciateur ne s’en rend pas vraiment compte, il revit la même histoire qui se détériore peu à peu avec pour personnage central cette Marion qui apparaît en fin de morceau.
“found”
la chanson la plus pop de l’album avec couplet/refrain – couplet/refrain. C’est une structure qu’on exploite assez peu finalement. C’est un morceau simple, qui se veut facile à retenir car très chanté, très pop dans ses mélodies et dans ses arrangements de voix.
Les paroles parlent de la troisième nuit passée entre deux amants, en fait, à demi-mot, ça parle un peu de sexe. Quand l’entente devient plus fusionnelle et quand on se projette, quand on se reconnaît dans son partenaire.
“Elegy”
C’est la suite logique de « found », un morceau de transition pop qui amène la seconde partie de l’album. Je le trouve bien placé dans ce sens de transition, qui montre que l’album n’est pas deux parties juxtaposées sans rapport entre elles mais une suite logique qui, certes, part dans plusieurs directions mais surtout a un fil conducteur. C’est un morceau qui nous plaît car il permet à l’auditeur de respirer. Bon on en fera pas un tube mondial demain, mais on espère qu’il dégage une ambiance particulière avec de nouveau ce vieux son d’orgue qui fait écho à « adelaide », les cuivres et les voix en « chorales ». Dans un sens, c’est le morceau le plus ambitieux de l’album. Le but, c’était de faire un morceau qui sonnerait très année 70, un truc un peu naïf. On a passé un temps incroyable dessus.
“Good Morning Rock Star”
Le voilà le tube… ouais, je connais déjà des gens qui le zappent en écoutant et curieusement ça ne me choque pas. C’est sûr que passer plus de six minutes sur un accord de guitare ça peut paraître assez déroutant. C’est une autre facette du groupe qui ouvre la seconde partie de l’album. On voulait faire un morceau aussi hypnotique que possible et qui prend à la gorge en même temps, en live on sent que les gens respirent une fois qu’il se termine, pourtant c’est presque le morceau le plus applaudi. Disons qu’il doit être difficile de rentrer dedans mais une fois qu’on y est, il procure des sensations. Surtout sur l’album où on est parti d’une base live assez « sauvage » : on va dire, qu’on s’est permis de la traiter comme une plage sonore et sur laquelle on a greffé un orgue-synthé très travaillé. Cette plage de base, que l’on a beaucoup triturée, nous a permis de partir de cette énergie essentiellement live pour essayer de créer autre chose sur l’album, avec une côté plus psyché, le tout gardant une coloration très post-rock somme toute.
Ca peut paraître prétentieux mais j’aime ce morceau et j’aime le titre. Il en va de même pour les autres membres du groupe.
“My Shame”
Une longue plage sonore qui est un peu l’équivalent de « good morning » mais en planant, pas en rock. Là aussi, il s’agit de faire entrer l’auditeur dans le morceau et de ne plus le lâcher jusqu’à la fin. Le morceau est composé d’une superposition de boucles enregistrées au synthé, à l’orgue/ la grosse basse de Yvan/ cymbales/ guitares planantes et de voix. Comme pour le titre précédent, on est parti d’une base live enregistrée dans un champ en pleine nuit (non non on est pas dans le trip cérémonies nocturnes ni rien comme ça) pendant l’été (d’ailleurs pour les plus avisés, on entend les grillons). On était éclairé à la lumière de quelques lampes de chevet posées sur les amplis et je crois qu’on a perturbé quelque peu les voisins (qui étaient pourtant à près d’un kilomètre). Ce fort volume de basse permet au morceau de garder une véritable énergie malgré son aspect planant.
Les paroles sont un écho à celle de « fifteen minute glory ».
“Me and my famous lover”
Le morceau titre de l’album. Un peu de répit après les deux plages précédentes. Encoe une fois, un moyen de souffler pour l’auditeur car c’est le plus épuré de l’album. On l’a enregistré en une après-midi et quasiment mixé dans la foulée (si tous les morceaux avaient été comme ça…). Du coup on garde un côté très spontané avec une ambiance sonore très présente. C’est un des morceaux dont nous sommes les plus fiers, je cois qu’il peut vraiment avoir un aspect touchant.
Les paroles «I’ll lose you by twilight» sont venues comme ça, je sais pas pourquoi, c’est là, c’est comme ça. Ca me fait penser au conte de Cendrillon maintenant. Quand au titre du morceau / de l’album… c’est une sorte de résumé des thèmes abordés… j’aime bien ces mots-là mis ensemble.
“erase me”
A quel moment cela passe par la tête de quatre musiciens de finir un album comme ça par un morceau quasi-punk ? Je comprends toujours pas ce qui s’est passé… Mais je trouve ça franchement marrant… Peut-être est-ce un moyen de dire, bon voilà on fait de la musique qui se veut habitée et réfléchie mais ça reste du rock, un moyen de pas trop se prendre au sérieux. Bien sûr, on l’aime bien aussi ce morceau, surtout pour le décalage bref et violent qu’il crée et pour la plage sonore qui le suit, sorte de passage en revue de l’album avec cette nappe lancinante.
-Le site du label Drunk Dog