Petite baisse de régime pour Darren Rademaker et son club californien de musiciens orfèvres pop. Quelques belles choses à sauver tout de même. L’excellence ne disparait pas aussi facilement.
Il y a une figure récurrente sur chaque pochette d’album de The Tyde : l’évocation de la plage californienne, la mer, le sable, le soleil, les bikinis… Et puis il y a cette planche de surf, déjà présente sur la pochette du lumineux Twice et exposée ici comme une véritable oeuvre d’art. Sachez-le, chez la famille Rademaker, le surf west coast est un art de vivre, mais à mille lieues des clichés lourdaux véhiculés ici par les biscotos de Patrick Swayze… Ce sont aussi des romantiques un peu solitaires, des rêveurs qui ne se contentent pas de scruter la vague, ils aiment contempler durant des heures le soleil couchant de Big Sur, lézarder sur leur serviette de bain en privilégiant les lectures sur la botanique.
Darren Rademaker, sauveteur des mers en chef de la crique The Tyde, ne peut se passer de ce soleil vital pour ses chansons : cette pop aux allures inoffensives manigance de véritables embuscades pour coeurs fragiles. Une anomalie s’est tout de même immiscée dans le tableau de ces nouveaux garçons de la plage : sur papier, tout laisserait à penser que ces californiens de LA marcheraient derrière les traces de tong des Beach Boys et autres adeptes des harmonies merveilleuses de la sunshine pop. C’est pourtant au-delà des côtes britanniques, vers les midlands de Birmingham et la pop mélancolique de Felt qu’il faut remonter pour en trouver la source. Avec ses arpèges connotés 80’s, sa voix nasillarde et un talent de composition brillantissime, Darren Rademacker avait rendu sur Twice (2003) un vibrant hommage au romantisme 80’s du grand Lawrence Hayward. Fanatiques depuis leur tendre jeunesse de Felt, lui et son frère Brent (ex Beachwood parks, frontman des mésestimés Frausdots) ont rayé jusqu’à la corde les vinyles de Forever Breathes the Lonely Word, et The Splendour of fear.
Once, Twice et Three’s Co donc, dernier essai discographique en date. Ce dernier ouvrage reprend les choses là où le groupe les avait laissées trois ans auparavant. A la base, on n’en demandait pas plus. Enfin, – oui justement… on aurait voulu cette fois un peu plus de mélodies renversantes à se mettre sous la dent. Ne nous offusquons pas, cette troisième escapade nous offre encore de jolies choses : la qualité est là, la quantité a simplement baissé.
Three’s Co est une combinaison entre les ballades rêveuses de Once et la concision pop de Twice. Ça semble démarrer plutôt bien dès « Do It Again Again » et « Brock Landers ». Darren (chant, guitare), Ann Do’ (sa muse, claviers), Brent (basse), Ben Knight (guitares) et Rick Menck (drum kit) mettent tout en oeuvre pour nous secouer : une section rythmique échevelée, des claviers mignons et des harmonies vocales insouciantes annoncent la couleur… pâle. Malgré d’évidentes bonnes intentions, on sent nettement le coup venir sur les tempos relevés, le songwriting manque de surprises et se répercute sur un bon tiers de l’album.
Le versant sentimental du disque est nettement plus convaincant. Sans non plus se couvrir en pleine saison estivale, les mélodies ont reçu une couche de vernis plus épaisse. Les claviers de madame Ann Do’ Rademaker et les arrangements frivoles apportent une touche moins Feltienne, plus californienne 60 ‘s (Beach Boys of course, mais aussi les Byrds et Buffalo Springfield). C’est particulièrement réussi sur “Separate Cars” ou encore sur “Don’t Need a Leash”, où quelques touches de lap steel enjolivent un spleen spatial. Le gang des frères Wilson tire la serviette de bain de leur côté pour “Ltd. Appeal” et ses harmonies vocales angéliques produisent un petit miracle. “County Line”, du Beach Boys à la sauce Ramones, figure parmi les excellentes surprises. “Aloha Breeze”, apporte même un peu de sang neuf, une promenade fifties digne des Platters. On réserve le meilleur pour la fin : le spectaculaire “Glassbottom Lights”. Habité d’une mélodie vertigineuse et indéboulonnable, The Tyde tire The Church et Echo & The Bunnymen vers les plus hautes sphères de la pop. Rien que pour ce morceau d’anthologie, on re-signe.
Nota Bene : quelques invités anecdotiques : Conor Deasy au chant (The Thrills) et Mickey Madden (Maroon 5) à la basse. On ne les entend pas, tant mieux.
– Le site officiel de The Tyde