Autant ne pas tergiverser : Xenophonia est une admirable réussite, d’ores et déjà un des disques majeurs de l’année. N’en déplaise aux intégristes du rock pur et dur, il y a dans ce disque de jazz (abordable, même pour les moins initiés) plus de fougue, d’impertinence, de spontanéité et d’inventivité que dans tous les albums réunis de rock juvénile sortis dernièrement. Qu’il reprenne David Bowie (un “Ashes To Ashes” ressuscité, magnifié) et Horace Silver (“The Mohican And The Great Spirit”, le tendre hommage au maître), ou joue ses propres compositions (toutes épatantes, il va sans dire), le pianiste français – natif de Belgrade – Bojan Z met à mal l’image du jazz. Il la froisse, la plie, la déchire sans vergogne pour mieux se l’accaparer. Piano imprévisible, Fender Rhodes trafiqué de ses mains (rebaptisé « xenophone ») qui sonne comme une guitare électrique cradingue digne de Led Zeppelin ou Frank Zappa, alternance de batteries (celle plus rock de Ben Perowsky et celle de Ari Hoening, plus jazz, mais parfois syncopée, qui a même des accents drum’n bass au début de “Biggus D”), contrebasse ferme et tendue (Rémi Vignolo), flûte balkanique (le Kaval joué par Krassen Lutzkanov). L’orthodoxie jazz vole en éclats, les sonorités se croisent et fusionnent, l’étrange le dispute à l’étranger (« Xenophonia » est une néologisme médical qui désigne ces deux mots). Un vent nouveau souffle dans les voiles du swing et le navire de Bojan Z vogue vers des horizons que tout amateur de musiques aventureuses se doit à présent de scruter avec lui.

– Le site de Bojan Z.
– Le site de Label Bleu.